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Céline secret

Céline secret

Titel: Céline secret Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Véronique Robert
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au monde.
    En 1959, Louis a définitivement arrêté d’exercer la médecine
et sa santé si fragile s’est de plus en plus détériorée. La nuit il me dictait
des morceaux de Rigodon. Je l’avais laissé seul, je ne dormais plus avec
lui mais, toutes les heures, j’allais le voir, je guettais. Il ne lui restait
plus beaucoup de temps à vivre. Une seule chose demeurait importante pour
lui : finir Rigodon.
    Le 30 juin 1961, il a écrit le mot fin au bas d’une page,
rédigé une lettre à Gaston pour lui demander un nouveau contrat.
    Le lendemain, il était mort.
    Delphine, la chienne que nous avions à l’époque, l’a attendu
au pied de son fauteuil pendant des mois, là, dans l’entrée, le studio de danse
n’existait pas encore.

 
CHAPITRE XII.
     
    LE CAFÉ DE L’ÎLE SAINT-LOUIS. LA VIE QUI CONTINUE.

 
    L’île Saint-Louis. Le café « le Flore en
l’île ».
    Toujours, Lucette revient là. Aux murmures des berges,
aux origines. Une pause, un arrêt, dans la vie, comme pour reprendre souffle.
Là, sous nos yeux, derrière la vitre, le pont Saint-Louis.
    L’endroit même où jadis la bohémienne avait suggéré de
jeter à l’eau le petit bébé qu’elle était.
    Comme d’habitude, on commande un café liégeois bien
écœurant. Nous aimons tellement ce qui va nous faire mal.
    Un moment de pure légèreté. Des nuages gorgés d’eau, un
soleil gris rempli de pluie, la Seine immobile et la voix de Lucette, comme un
parfum oublié qui suspend le temps.

 
    Les journalistes étaient déjà là depuis plusieurs jours. Eux
aussi guettaient. Ils restaient perchés dans les arbres. Ils voyaient bien que
je laissais les volets fermés et ils pensaient que, pour Louis, c’était déjà
fini. J’étais seule, absolument seule.
    La nuit qui a suivi sa mort, je l’ai passée là-haut, à
enregistrer sur un petit magnétophone la version définitive de Rigodon. Je
voulais garder une trace du texte achevé. Louis écrivait tellement de moutures
différentes avant d’arriver à ce qu’il cherchait vraiment, que je devais
absolument fixer la dernière.
    Depuis toujours il testait sur moi sa phrase, me lisant à
voix haute ce qu’il venait de rédiger. J’étais la seule auditrice de son
travail et j’ai gardé dans l’oreille la musique très jazzy qui en émanait. Seul
Luchini a su la retrouver. Il est comme un alambic qui se remplit d’alcool et
donne du calvados. Il absorbe la littérature de Louis pour en distiller le
nectar.
    Comme un décoquilleur de mots, il dissèque un texte pour
ensuite redonner vie au cadavre.
    C’est très rare ce qu’il fait.
    Le lendemain de la disparition de Céline, tout s’est
enchaîné. A l’enterrement, les journalistes n’étaient pas prévenus et ils sont
arrivés après. Seuls les intimes étaient là : Marcel Aymé, Gaston
Gallimard et son fils Claude, Roger Nimier et Marie Canavaggia avec un chapeau
à cerises. Gaston ne la connaissait pas et a appris par Nimier qu’elle était la
femme de confiance de Céline. Dès le lendemain, Nimier et Canavaggia sont venus
de la part de Gallimard chercher une malle contenant les derniers manuscrits.
    Ma mère qui pensait maintenant pouvoir s’installer avec moi
et dépenser au jeu l’argent de Céline était là, la famille de Louis aussi qui a
été si atroce, sa fille qui voulait me chasser de chez moi et qui a failli
réussir car, sans le notaire, je partais.
    Je voulais mourir, plus rien n’existait, j’étais comme morte
moi aussi.
    Pourtant, telle une somnambule, j’ai continué à assurer mes
cours de danse. Je travaillais comme une folle, jour et nuit.
    Je me suis mise alors à fumer avec frénésie. Parfois
plusieurs cigarettes à la fois.
    Toujours, j’ai été entière, absolue. Tout ce que j’ai fait,
je l’ai fait à fond.
    Quand j’ai attrapé la gale, d’un chien que je ne connaissais
même pas, c’est sous la forme la plus grave.
    Quand j’ai voulu boire un petit vermouth, tout de suite j’ai
senti que si je n’arrêtais pas sur-le-champ, je ne pourrais plus jamais m’en
passer. C’était amer et j’adorais ça. C’est à Lisbonne que j’avais pris cette
habitude. J’ai arrêté brutalement, d’un seul coup, comme pour la cigarette.
    Je ne peux rien faire à moitié et Louis me disait :
« Heureusement que tu n’as pas connu le bordel. »
    Si j’avais commencé à jouer, j’aurais plongé comme ma mère.
    Après la mort de Céline ils sont tous venus comme

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