C’était le XXe siècle T.3. La guerre absolue
qu’aucune décision ne sera prise avant la réception du texte officiel de la réponse alliée.
À 10 heures, une douzaine de jeunes officiers, « au comble de l’excitation », pénètrent dans le bureau du général Anami. À leur tête, le lieutenant-colonel Takeshita : toujours le beau-frère. Celui-ci ne mâche pas ses mots :
— Il ne saurait être question d’envisager une capitulation. Dans le cas contraire, il ne resterait plus au ministre de la Guerre qu’à se donner la mort avec sa propre épée !
Contenant sa colère, Anami regarde bien en face son beau-frère – mais ne répond rien.
À 11 heures, l’empereur reçoit Togo qui explicite à son intention l’interprétation qu’il entend donner à la note alliée. L’empereur s’y rallie :
— Faites part de ma décision au Premier ministre. C’est la paix.
11 heures.
Anami vacille. L’attitude de son entourage militaire a fini par mettre en question l’adhésion sincère que, sujet obéissant, il avait accordée aux ordres de l’empereur. Et s’il allait, en persévérant, porter un coup mortel à l’institution impériale ?
Il décide de s’ouvrir au Premier ministre de ses incertitudes. À sa profonde surprise, il retrouve chez Suzuki le baron Hiranuma, président du Conseil privé. Agé, naturellement indécis, ce très proche de l’empereur s’est mis à redouter, lui aussi, que le maintien du régime impérial ne soit pas garanti dans la formule de la capitulation. Fortifié par cet appui imprévu, Anami rappelle avec véhémence au Premier ministre qu’ils sont tous deux convenus de rejeter la Déclaration de Potsdam si son acceptation risquait de compromettre la structure nationale.
Jamais Suzuki ne s’est senti aussi vieux. Il n’a pas dormi depuis deux nuits. De tout côté on l’adjure, on l’agresse. Des gens lui murmurent des secrets que sa surdité l’empêche d’entendre. Lui, le pacifique, se laisse aller à penser qu’il y a du vrai dans la position d’Anami et Hiranuma. Les deux autres s’engouffrent dans cette porte entrouverte. Ils redoublent de véhémence. Le vieillard cède. Éperdu, les yeux pleins de larmes, il finit par dire que le gouvernement repoussera les exigences alliées.
C’est la guerre.
Midi.
Au Conseil des ministres qui se tient dans un climat survolté, les sempiternelles divisions s’accentuent. Suzuki donne lecture d’une traduction de la réponse américaine. Anami et Hiranuma reprennent leurs arguments. Anami exige que soient insérées les deux conditions que l’on a écartées.
Togo, furieux, se lève d’un bond :
— De nouvelles requêtes aboutiraient à une rupture des négociations, ce qui irait à l’encontre de la décision de Sa Majesté Impériale ! On provoquerait ainsi, de façon insensée, la poursuite de la guerre.
Il quitte la salle en claquant la porte et s’en va téléphoner au secrétaire d’État Matsoumoto qui le supplie de faire en sorte que l’on ne passe pas au vote. Togo regagne la salle du Conseil au moment où Suzuki, confirmant sa volte-face, admet cette fois que la réponse des Alliés ne garantit pas le maintien du régime impérial :
— Le Japon se doit de réclamer des éclaircissements. Nous devons nous préparer à poursuivre la guerre si satisfaction ne nous est pas donnée.
Il faut à Togo accomplir un effort démesuré pour conserver un calme apparent :
— La déclaration du Premier ministre mérite d’être sérieusement envisagée. Cependant, à moins que le Japon ait encore quelque chance de remporter la victoire, la seule solution reste de mettre bas les armes.
Autour de la table, nul ne trouve de mots pour lui répondre. Togo poursuit son avantage :
— Je propose par conséquent que la séance soit ajournée et qu’elle ne soit reprise qu’après réception de la réponse des Alliés à notre demande de garanties sur le régime impérial.
Reprenant quelque force et visiblement soulagé qu’on lui tende cette perche, Suzuki conclut :
— La séance est levée.
Dans Tokyo, le bruit circule, de plus en plus précis, d’une révolte des officiers. La police place des détachements aux points stratégiques.
21 h 30.
Alors qu’il espérait prendre enfin un peu de repos, le Premier ministre est convoqué au palais impérial.
Oubliée, la courtoisie qui d’ordinaire imprègne les manières du si distingué marquis Kido. Visage sévère, ton cassant, il brosse à Suzuki un
Weitere Kostenlose Bücher