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C’était le XXe siècle T.3. La guerre absolue

C’était le XXe siècle T.3. La guerre absolue

Titel: C’était le XXe siècle T.3. La guerre absolue Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Decaux
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qu’ils ont définies.
    L’empereur a terminé. Il ne regarde pas l’assistance. Il se lève et, de son pas discret, sort.
    Dans la salle changée en étuve, des mouchoirs blancs sortis des habits noirs épongent non seulement la sueur qui coule sur les fronts mais sèchent aussi les larmes que plusieurs des participants ne peuvent retenir. Suzuki coupe court :
    — La décision de Sa Majesté ne peut qu’emporter celle de notre Conseil.
    Le Conseil des ministres décide donc, en conformité avec la position impériale, d’envoyer dans les trois heures aux puissances alliées, par l’intermédiaire de la Suisse et de la Suède, un document spécifiant que le gouvernement japonais est « prêt à accepter les conditions énumérées dans la déclaration faite à Potsdam, le 26 juillet 1945, par les chefs des gouvernements des États-Unis, de Grande-Bretagne et de Chine, et ultérieurement ratifiées par le gouvernement de l’Union soviétique, à cette seule réserve que ladite déclaration ne portera aucune atteinte aux prérogatives de Sa Majesté en tant que souverain régnant ».
    Cette fois, les jeux sont faits. Le Japon a choisi la paix.
    Ils ont pu le croire, ceux qui, épuisés, remontent les marches du petit escalier qui donne accès à l’abri antiaérien. Ils se trompent.
     
    9 h 30 du matin.
    Dans l’abri aménagé dans les sous-sols du ministère de la Guerre, le général Amani réunit tout le personnel ayant un rang supérieur à celui de chef de section. Son teint habituellement porté au rouge a viré au pourpre. Il rend compte des décisions prises au cours de la nuit. Pour être entendu de tous, il porte la voix. Le ton n’est pas précisément conciliant :
    — Nous n’avons d’autre alternative que de nous incliner devant la décision de l’empereur… Quoi qu’il arrive, souvenez-vous que vous êtes des soldats, que vous devez obéir aux ordres et vous plier à la discipline militaire la plus stricte. Dans la crise que nous affrontons, l’acte inconsidéré d’un seul peut amener la ruine du pays tout entier.
    Dans les rangs serrés de l’assistance, un jeune officier se lève :
    — Le ministre de la Guerre nous demande d’obéir à ses ordres, que nous continuions de nous battre ou que nous capitulions. Cela veut-il dire que le ministre de la Guerre envisage une capitulation ?
    Sur la plupart des visages empreints d’abord de stupeur, on lit maintenant de la colère, de la révolte. Le stick d’Anami s’abat sur la table :
    — Quiconque voudrait contrevenir à mes ordres devra passer sur mon cadavre !
     
    Matinée .
    Extrait du rapport de la Société japonaise de recherches sur la guerre du Pacifique : « Ce même matin, Tokyo subit un terrible bombardement. Des centaines de B-29 déversèrent sur la capitale une pluie de bombes incendiaires, tandis que des milliers d’autres avions bombardaient différentes villes japonaises. Cette opération, si on la qualifie de “plus impressionnante et de plus éprouvante de toute la guerre”, ne fut en réalité en aucune façon unique en son genre ; les raids aériens gagnaient en ampleur et en intensité, faisant des milliers de sans-abri qui, ayant tout perdu, manquaient de vêtements et de nourriture. Le peuple japonais était arrivé à la limite de l’endurance, limite que bien d’autres peuples auraient à leur place déjà dépassée. »
     
    Après-midi.
    Les services de l’Information diffusent un communiqué annonçant que l’ennemi a usé de bombes « d’un type nouveau » surpassant en cruauté et en barbarie toutes les armes employées jusque-là. Le texte s’achève ainsi :
    « Nous ne mettons pas en doute un instant que nos armées seront capables de repousser les assauts de l’ennemi, mais il nous faut reconnaître que nous nous trouvons dans une situation des plus défavorables. Le gouvernement fera tout ce qui est en son pouvoir pour défendre la patrie et l’honneur du pays. Il compte que les quelque cent millions de Japonais se montreront à la hauteur des circonstances et qu’ils surmonteront tous les obstacles qui s’opposeraient au maintien de notre structure nationale. »
    Or, à l’insu du gouvernement, un autre communiqué se prépare dais l’ombre. Le lieutenant-colonel Inaba, l’un des jeunes officiers qui, le matin même, ont écouté Anami au ministère de la Guerre, ne s’en est pas remis. Il songe à ses camarades qui se battent encore. Que vont penser

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