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Chasse au loup

Chasse au loup

Titel: Chasse au loup Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Armand Cabasson
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souffert dans la vie sans avoir à subir en plus ce châtiment après la mort ?
    L’officier écarquilla les yeux.
    — Vous voulez un orphelin ? Comme dit le proverbe en temps de guerre : Un orphelin de perdu, dix mille de retrouvés ! Si l’on m’écoutait, on exhiberait un ennemi mort dans chaque rue de Vienne et une brochette sur les places des villages conquis.
    Toute supplique rebondissait contre cet esprit buté. Margont accomplissait des efforts pour demeurer poli.
    — Qui a donné cet ordre, à qui puis-je m’adresser pour...
    Les yeux du sous-lieutenant flamboyèrent. On persistait à vouloir lui voler l’un de ses cadavres ! Il les couvait comme des oeufs.
    — Le 18 e de ligne n’a pas été chargé d’assurer la sécurité des environs ! Vous n’avez aucune autorité sur le sujet. Si on ne mate pas les civils autrichiens maintenant, dans deux semaines, ils vous ouvriront le ventre durant votre sommeil pour pisser dedans !
    Celui-là avait fait la campagne d’Espagne. Là-bas, les deux camps surenchérissaient dans l’horreur. Des Français étaient retrouvés brûlés vifs, ébouillantés, cloués sur des arbres, émasculés, énucléés, démembrés, crucifiés... De leur côté, les soldats français incendiaient les villages supposés soutenir les partisans et menaient des représailles sanglantes... Cet officier était revenu vivant du bourbier espagnol, mais son âme et une partie de sa raison avaient dû y rester, engluées dans une vision d’horreur.
    — Moi aussi j’ai combattu en Espagne, annonça Margont.
    Le lieutenant en second cligna des yeux, stupéfié de se retrouver mis à nu. Ses lèvres remuèrent, mais sa voix ne suivit pas. Margont lui tendit une perche.
    — De toute façon, le corps que nous souhaitons emporter est en train de se décomposer. Mieux vaut que ses proches l’enterrent maintenant plutôt que ce soit vous, dans quelques heures, sous le soleil.
    Le sous-lieutenant se raidit.
    — Bien sûr. C’est évident.
    — Comment a-t-il été tué ?
    — Il a été abattu par une patrouille l’avant-veille de la bataille, durant la nuit. Il devait tenter de rejoindre l’armée autrichienne avec un complice. On les a surpris quelque part dans les bois près du Danube, non loin de Vienne.
    — Son compagnon a-t-il été arrêté ou tué ?
    Le regret se peignit sur le visage du sous-lieutenant.
    — Hélas, celui-là a pu s’échapper. Les soldats se trouvaient assez loin, il faisait nuit... C’était déjà bien joli d’en avoir eu un. L’autre a juste eu le temps de tirer une fois avant de disparaître.
    — Ce n’est pas cette patrouille qui est responsable de la mort de ce garçon. Regardez bien sa veste : il y a des traces de brûlure tout autour de la blessure. On a fait feu sur lui à bout portant.
    L’officier alla aussitôt examiner le corps. Cet élément discordant le perturbait. Il se releva, rasséréné.
    — Alors, à mon avis, c’est son complice qui l’a tué. Soit accidentellement – la panique, l’obscurité... –, soit pour qu’il ne le dénonce pas s’il venait à être capturé. Bien des Autrichiens ont laissé mère, épouse et enfants à Vienne, il aura eu peur d’éventuelles représailles...
    — Et cette mutilation ? Comment l’expliquez-vous ?
    Le sous-lieutenant haussa les épaules.
    — Un soldat du détachement se sera énervé parce qu’un de ses camarades avait été assassiné par des partisans. La guerre rend fou. En ce qui concerne les mutilations de cadavres, j’ai vu pire...
    Margont n’en doutait pas. Cet homme était devenu sourd à l’horreur pour avoir trop longtemps entendu des hurlements de souffrance. Il s’était accoutumé à « tout cela ». Pour lui, cette abomination ne représentait qu’une anecdote, le grain de sel d’une morne journée de faction. Il l’ignorait, mais il était aussi mort que les cadavres qu’il gardait. Le sous-lieutenant se tourna vers Bergen.
    — Allez-y, prenez-le. Je fais une exception pour un officier vétéran de la guerre d’Espagne.
    L’Autrichien hocha la tête.
    — Merci, monsieur l’officier. Dieu vous le rendra.
    — Si ton Dieu existe, le solde des comptes entre ce que j’ai fait de bien et ce que j’ai fait de mal m’expédiera tout droit en enfer, même si je vous laissais repartir avec mes onze charognes.
    — Ils n’étaient que deux ? questionna Margont.
    — D’après ce que l’on m’a dit, oui. Mais le pays

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