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Christophe Colomb : le voyageur de l'infini

Christophe Colomb : le voyageur de l'infini

Titel: Christophe Colomb : le voyageur de l'infini Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Patrick Girard
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une ville
située au bord d’un fleuve immense, large comme une centaine de torrents, dans
les eaux duquel vivaient des taureaux marins et des serpents aux larges
mâchoires, capables d’avaler l’homme qui s’était par malheur aventuré loin du
rivage. Lors de l’un de ses voyages, il avait été fait prisonnier par des
guerriers nomades qui l’avaient revendu un bon prix à un négociant génois,
Antonio Malfante, qui était arrivé, en bravant mille dangers, jusqu’aux oasis
du Touat. Celui-ci l’avait ramené avec lui jusqu’à Ceuta où il s’était embarqué
pour Séville puis Gênes. À en croire Antonio, son maître entendait bien
retourner ensuite à Sijilmassa pour prendre livraison de marchandises, d’or, de
plumes d’autruche et de captifs qu’il avait achetés, et en partie payés.
Malheureusement, il avait trouvé la mort lors d’une rixe dans l’auberge de
Domenico.
    Lorsque le maître drapier avait appris par ses enfants ce
que leur avait confié Antonio, il avait immédiatement compris pourquoi Pierino
Fregoso s’était évertué à ce que nul n’apprenne le retour dans sa bonne ville
d’Antonio Malfante. L’arrivée du voyageur lui avait été annoncée par les
espions qu’il entretenait dans tous les ports de Ligurie et de Provence. Il
l’avait assassiné puis avait fait main basse sur ses documents, des lettres et
des cartes, et s’en était servi pour envoyer à Sijilmassa ses propres commis.
C’est ainsi qu’à la grande surprise et fureur des Centurione il s’était adjugé
le lucratif monopole du commerce avec les négociants africains, affirmant sans
la moindre honte qu’il avait réussi là où ses concurrents avaient échoué. Grand
seigneur, il avait juré qu’il ne ménagerait pas ses efforts pour délivrer le
malheureux Antonio Malfante de la captivité où le retenaient sans doute les
tribus nomades du désert. Puis, la voix mielleuse, il avait expliqué aux
Centurione que, d’après ce qu’il avait appris, leur commis avait succombé aux
mauvais traitements que ses maîtres lui avaient infligés devant son refus
d’embrasser leur superstition.
    Domenico avait ruminé sa colère. Son exil à Savone était la
conséquence d’une sombre machination ourdie par Pierino Fregoso. Celui-ci
l’avait roulé dans la farine tout en prétendant lui rendre service. Il avait acheté
son silence en le rendant maître d’une maison à laquelle il était désormais
rivé comme un serf à sa terre. Il n’avait nul moyen d’obtenir justice. Qui le
croirait s’il révélait cette affaire, des années après, en invoquant le
témoignage d’un esclave maure ? Peut-être serait-il même accusé de
complicité de meurtre ? Faisant contre mauvaise fortune bon cœur, il
décida qu’il ne servirait à rien de remuer ce passé. Tout au plus se crut-il
autorisé, maintenant qu’il avait le fin mot de l’histoire, à faire venir à
Savone Antonio et les enfants. Ces derniers étaient désormais en âge de
travailler dans son atelier, lui évitant de faire la dépense de deux apprentis.
De la sorte, il se rembourserait des sommes qu’il avait dû verser pour leur
entretien à sa cousine. Quant à Antonio, il ne chômerait pas à la taverne, dont
Suzanna ne voulait plus s’occuper.
    En voyant resurgir l’esclave témoin de son forfait, Pierino
Fregoso avait tenté de faire payer cher à Domenico ce qu’il appelait « sa
trahison ». Il l’avait dénoncé sous un faux prétexte aux autorités de
Savone qui avaient jeté en prison le maître drapier. Celui-ci avait dû vendre
l’une des terres qu’il possédait encore dans les faubourgs de Gênes pour
graisser la patte du juge et recouvrer la liberté. Moyennant quoi le magistrat
avait définitivement entériné l’acte de propriété de sa maison, déboutant
Pierino Fregoso de ses réclamations.
     
    *
     
    Cristoforo surveillait le chargement de la caraque. La Santa
Luciana devait reprendre la mer le surlendemain pour regagner Gênes avant
le début de la mauvaise saison. Des portefaix ployaient sous le poids des
ballots de gomme de lentisquier qu’ils entreposaient dans la cale. D’autres
roulaient de lourds tonneaux de vin qu’ils arrimaient solidement au moyen de
cordes grossièrement tressées. Muni de son écritoire, le commis comptait et
recomptait les marchandises. En dépit de sa jeunesse, il avait l’œil à tout,
rien n’échappait à son regard de fouine. À deux reprises, il avait renvoyé

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