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Christophe Colomb : le voyageur de l'infini

Christophe Colomb : le voyageur de l'infini

Titel: Christophe Colomb : le voyageur de l'infini Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Patrick Girard
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de la porte dell’Olivella. Dès ce soir, la ville saura
qu’en raison de tes mérites éminents je t’ai confié la gestion des terres que
je possède à Savone, où tu iras t’installer sans délai. Rassure-toi, ce ne sont
que quelques vergers et arpents de vigne qui te laisseront le temps de vaquer à
tes autres occupations. Grâce à ma bonté, te voilà propriétaire d’une boutique
et d’une maison jouxtant l’église San Giulano, là où tu iras faire tes
dévotions. Mon notaire, Filippo Masetta, a déjà rédigé un acte de vente fictif
car je n’exige de toi aucun paiement si ce n’est ton silence. Ne me remercie
pas, ce présent me coûte moins cher que l’argent que je perdrais si cette
affaire venait à s’ébruiter. Ce serait trop long à t’expliquer. Je te donne
même en prime l’esclave du mort, Antonio, un Maure plutôt robuste, à en croire
mes archers qui ont eu bien du mal à s’assurer de sa personne. Fais en sorte que
nul ne sache qui il est et où il se trouve. Comme tu le vois, ta disgrâce est
plutôt douce. Toi, le fils d’un rustaud de Mocònesi, te voilà maintenant maître
des quatre murs où tu vivras désormais. C’est plus que ce qu’aucun de tes
enfants ne pourra obtenir au terme d’une vie de rude labeur. Disparais de ma
vue avant que je ne commence à regretter ma générosité.
     
    Domenico se retira, se demandant ce que cachait cette
proposition. Était-ce un piège que lui tendait Pierino Fregoso ? Les
heures passant, il cessa bientôt d’y penser. Le soir même, il dut offrir force
pichets de vin aux autres maîtres drapiers venus le féliciter pour sa bonne
fortune et l’éclatant témoignage de confiance que lui manifestait le doge. Il
ne lui restait plus qu’à emballer ses hardes et à partir, avec les siens, pour
Savone.
     
    *
     
    À Savone, le nouvel arrivant n’avait pas tardé à trouver sa
place. Son père, le vieux Giovanni, gérait les domaines de Pierino Fregoso en
paysan madré. Lui se consacrait à son atelier de tissage et à sa boutique de
draps. Il avait fait venir de Mocònesi et de ses environs quelques apprentis.
C’étaient de robustes gamins, prêts à trimer douze à quatorze heures par jour
en échange d’une miche de pain et d’un peu de lard. Cela les changeait de la
soupe à la châtaigne. Domenico les surveillait, n’hésitant pas à les rosser
quand ils manquaient d’ardeur. C’était ainsi qu’en avait usé avec lui son
premier employeur.
    Incapable de résister à l’appât du gain, il avait ouvert une
taverne fréquentée par les ouvriers de ses concurrents, membres comme lui de la
confrérie de San Giulano. Il les faisait boire pour leur soutirer des
informations sur les commandes qui lui avaient échappé. Il leur accordait aussi
généreusement crédit, sachant qu’il pourrait faire retenir les sommes dues par
ces fieffés soiffards sur leurs salaires en s’adressant à leurs patrons. Au
grand dam de leurs mégères, de hideuses créatures à la poitrine déformée par
les grossesses, qui venaient parfois chercher leurs maris, accompagnées d’une
ribambelle de gamins crasseux.
    Quand elles se montraient par trop vindicatives, le
tisserand demandait à Antonio de sortir de la cave où il passait ses journées à
ranger des barriques de vin et de lourds fromages, et à protéger ceux-ci contre
les dents des rongeurs.
    La vue du vieil esclave suffisait à déclencher des cris
d’effroi : Il Moro ! Il Moro ! « Le Maure ! Le
Maure ! » Comme s’il n’était pas, en apparence du moins, aussi bon
chrétien qu’elles ! Il se rendait à l’église une fois l’an, se tenant près
du porche en marmonnant des phrases incompréhensibles, dans un étrange jargon.
    C’était la condition mise par Domenico pour prendre
l’esclave à son service à Savone après l’avoir caché des années durant à
Mocònesi conformément aux exigences du doge. Dans ce village, les
Centurione – Domenico n’avait pas tardé à comprendre que c’était d’eux
dont se méfiait avant tout Pierino Fregoso – auraient été bien en mal de
retrouver sa trace. Ces prospères négociants, qui n’hésitaient pas à se rendre
à Lisbonne ou à Barcelone, se gardaient bien de s’aventurer dans la montagne
ligure. À leurs yeux, ce monde était bizarre, peuplé d’êtres frustes et
sauvages, trop pauvres pour vouloir recourir à leurs services.
    À Mocònesi, Domenico l’avait chargé de veiller sur ses
enfants, trois fils

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