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Christophe Colomb : le voyageur de l'infini

Christophe Colomb : le voyageur de l'infini

Titel: Christophe Colomb : le voyageur de l'infini Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Patrick Girard
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poursuivaient droit devant eux, il leur faudrait peut-être des
semaines et des semaines avant d’apercevoir une île.
    La terre était devenue l’obsession des hommes. Elle occupait
leurs pensées jour et nuit. Ils se moquaient pas mal de savoir s’ils
aborderaient à Cypango, à Cathay ou peut-être même en Afrique. Peu leur
importait. Ce qu’ils voulaient, ce n’était point tant débarquer que d’avoir
l’assurance qu’ils pouvaient le faire. S’ils n’avaient aperçu qu’une île
minuscule, ils n’auraient pas nécessairement songé à fouler son sol.
Simplement, ils se seraient sentis mieux.
     
    Sur la Santa Maria , un petit groupe de marins s’était
constitué autour de Juan Reinal, un matelot de Huelva. Celui-ci était une forte
tête, cent fois plus que cet imbécile de Bartolomé Bives qui s’était laissé
rouler dans la farine par le capitaine. Lui, c’était promis, ne s’en laisserait
pas conter aussi aisément. Depuis deux jours, il paradait fièrement sur le pont
et faisait rire ses compagnons en donnant aux différentes parties du navire les
noms de certains endroits de leur ville. Il y avait la grande place, l’église,
la fontaine, l’auberge. Quand un marin se déplaçait, les autres, au repos,
s’interrogeaient : où allait-il ? à l’auberge ? à
l’église ?
    Les remontrances que leur avait adressées le maître
d’équipage n’avaient pas mis un terme à leur insolence. Elle avait même redoublé
quand, le 6 octobre, Martin Alonso Pinzon et le capitaine de la Niña étaient montés à bord de la Santa Maria pour converser avec Cristobal.
Juan Reinal avait exigé qu’ils viennent ensuite leur faire un rapport de ce qui
s’était dit. À la grande colère de Luis de Torres et de Peralonso Nino, ce
sacripant de Martin Pinzon avait accepté, comme s’il avait été à l’origine de
cette proposition.
    L’explication entre les capitaines avait été plutôt rude.
Pinzon avait carrément accusé Cristobal d’avoir dépassé non pas seulement
Antilia et l’île des Sept Cités, mais aussi Cypango, pour cingler directement
vers Cathay et les terres du Grand Seigneur. Au mépris de toutes les règles de
sécurité et en mettant en péril la vie de ses équipages, en les privant surtout
d’une escale qui aurait été la bienvenue et leur aurait permis de reprendre des
forces.
    Pire, pour éviter que lui, Martin Pinzon, qui s’y
connaissait pourtant en matière de navigation, ne risque de découvrir Cypango,
il condamnait la Pinta et la Niña, plus maniables et plus rapides
que sa lourde nef, à naviguer dans le sillage de la Santa Maria, tels
des chiots suivant leur mère. Désormais, et c’est ce que Pinzon avait annoncé
aux marins à l’issue de la conférence, ce serait chacun pour soi. Il avait tenu
parole. Le soir même, il avait faussé compagnie aux autres navires. Le 7 au
matin, une fois de plus, il avait fait tonner le canon pour annoncer que la
terre était en vue. Les autres navires l’avaient rejoint et, pendant deux
jours, avaient navigué de concert, jusqu’à ce que l’évidence s’impose :
aucune terre n’était apparue à leurs yeux.
    C’est alors que les hommes s’étaient rassemblés et avaient
imposé, le 10 octobre, aux capitaines leur volonté. Ils avaient trois
jours, pas un de plus, pour trouver Cypango, Cathay ou l’enfer, peu importe.
Passé ce délai, ce serait le retour vers l’Espagne.
     
    En cette journée du 12 octobre 1492, Cristobal
regardait les sabliers s’écouler. À la tombée de la nuit, il poussa un profond
soupir. Dieu l’avait voulu, il ne serait jamais le maître de Cypango. Il avait
fait jeter l’ancre pour la nuit et s’apprêtait à rejoindre ses compagnons pour
enfin manger avec eux pour la première fois depuis le 1 er  octobre
quand, soudain, en regardant au loin, il avait vu clignoter comme une lumière,
un feu allumé par une main humaine. De cela, il en avait la totale certitude,
au point qu’il avait appelé Peralonso Nino et qu’il lui avait demandé d’être
témoin de ce fait et de le consigner sur le journal du bord, lui promettant
qu’ils partageraient tous deux la prime de dix mille maravédis, mais lui
faisant jurer de conserver le silence pour l’instant.
    La nuit durant, il était resté à l’avant du navire,
dissimulé soigneusement à la vue des marins. Il attendait les premières lueurs
de l’aube pour découvrir Cypango et ses toits de tuiles d’or.

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