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Chronique d'un chateau hante

Chronique d'un chateau hante

Titel: Chronique d'un chateau hante Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Magnan
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qui s’était incrustée autour des
taureaux et entre leurs pattes.
    Quand ce
quadrige fut à l’air libre, les compagnons le soulevèrent à six et le portèrent
jusqu’au bassin. Soigneusement, avec des brosses à chiendent, ils le lavèrent,
et ce fut comme une seconde naissance pour cet attelage de métal où l’on avait
voulu figurer les travaux des champs. Au bord de la margelle, les compagnons
prenaient du recul pour admirer leur trouvaille. L’eau séchait rapidement sur
le bronze noir et bientôt le soleil l’éclaira. Les cygnes curieux cinglèrent
vers ce nouveau motif qui dérangeait leur environ mais, la matière inerte
n’étant pas comestible, ils retournèrent à leurs jeux.
    Tempier
se mit à genoux devant la sculpture, l’examinant sous tous les angles. Il
plissait les yeux en grommelant. À la fin, il chaussa des lunettes à monture de
fer qu’il assujettit au-dessus des verres noirs qui le protégeaient quand il
utilisait le chalumeau. Ainsi il ressemblait à son père à s’y méprendre.
    Il avait
apporté une bascule d’atelier pour peser la sculpture.
    — Cent
cinq kilos ! annonça Tempier. J’ai vu ça quand j’étais en Bessarabie. J’ai
vu le même dans une église mais c’était une copie tandis que ça c’est
l’original.
    — Mais
l’original de quoi ?
    — L’original
de la mer d’Hiram.
    Je fis un
vaste signe d’ignorance.
    — C’est
la mer qu’Hiram a bâtie pour le temple de Salomon.
    Il
continuait à se contorsionner autour du quadrige. Soudain il poussa un cri de
triomphe.
    — Ça
y est je l’ai !
    Il appela
les compagnons à grands cris. Ils étaient déjà sur le tertre en train de
fouiller avec les mains et ils avaient rapporté au grand jour quelques tessons
de bronze qu’ils avaient soigneusement alignés.
    — Venez !
leur cria-t-il.
    Ils
accoururent.
    — Vous
voyez, dit-il (il ne s’adressait même plus à moi). Vous voyez là ce dont vous
avez tant entendu parler. La preuve que notre profession date de l’Antiquité.
Ce que vous voyez là, ça s’est coulé en 1570 avant Jésus-Christ !
    Il y eut
un silence de mort autour de cette date. Ils réalisaient tout le passé que
représentait jusqu’à eux cet énorme laps de temps.
    Je lui
dis :
    — À
quoi tu vois ça ?
    — Penche-toi,
me dit-il, n’aie pas peur de te salir. Mets-toi à genoux ! Tu vois, là, tu
as besoin de lunettes ? Attends. Trancheton, commanda-t-il, et toi Nalin,
tournez-moi la sculpture qu’on voie bien le socle.
    Mais
quatre hommes furent nécessaires pour réaliser l’opération ; l’objet
n’offrait pas beaucoup de prise.
    — N’ayez
pas peur ! disait Tempier, vous pouvez vous servir des cornes pour les
remuer. Là ! Ça risque pas de vous péter dans les mains ! Mettez-le
sur le flanc ! Regarde ! me dit-il. Tu vois ces poinçons dans le
bronze du socle ?
    Alors, je
distinguai à la surface de l’acrotère d’étranges signes faits de pointes
diverses, verticales ou transversales. C’était comme une forêt de piques où
chaque poinçon était différent. Ils étaient bien séparés les uns des autres. Il
y en avait cinq.
    — Voilà,
dit Tempier, ces cinq signes c’est la signature. Ça veut dire Hiram !
    — C’est
quoi Hiram ?
    — Un
maçon ! Un fondeur, un forgeron, un serrurier ! Enfin, quelqu’un qui
connaissait les clés du Royaume !
    Tempier
était en pleine exaltation. Ce petit homme en bleu de chauffe un peu sale
récitait littéralement ce qu’il savait de l’histoire du monde.
    — Il
y avait à Tyr un artisan que Salomon a appelé pour construire un temple à
l’Eternel ! C’est dans le chapitre des Rois de la Bible ! Et comme il
savait trop de choses, on l’a assassiné quand le temple a été construit. On l’a
assassiné en trois fois ! Devant trois portes ! Tu comprends ?
    Il me
secouait.
    — Tu
comprends ? Nous les compagnons du Tour de France, on est les parents
pauvres de la franc-maçonnerie. Eux, ils travaillent avec la tête et nous avec
les mains ! Nous on connaît la tradition ! N’est-ce pas ? dit-il
en regardant ses amis.
    Ils
firent signe en silence que oui.
    — Tu
vois, reprit-il, ces cinq signes c’est la signature parce que tout est toujours
signé. On a beau être humble, on tient à laisser la trace ! Les pyramides
sont signées ! Les temples grecs sont signés ! Les cathédrales sont
signées ! J’ai vu la signature de celle de Cologne ! Il y a un seul
signe !

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