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Chronique d'un chateau hante

Chronique d'un chateau hante

Titel: Chronique d'un chateau hante Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Magnan
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paraissaient aussi anciennes que celles d’origine. Le galbe du vase
était coiffé d’un couvercle semblable à un bouclier. C’était le seul élément
qui fît allusion à la guerre, avec sa déesse debout et rayonnante.
    Ils
avaient poncé les marques des niellages détruits puis les avaient recouvertes
d’un sombre vernis cuivré anonyme, comme si des devinettes énigmatiques
laissaient le spectateur libre de les interpréter.
    Ils
s’étaient abstenus, dans les vides mangés par l’arbre durant sa vie, de
reconstituer les travaux et les jours qui historiaient entièrement les flancs
du vase d’illustrations où étaient célébrées les quatre saisons.
    Comme si
les arbres, la terre, l’herbe, les animaux, les semailles et les moissons
avaient été il y a quatre mille ans l’unique préoccupation de l’homme. Il
existait, ciselée parmi l’énigme des fragments perdus, l’esquisse d’un
demi-berger aux jambes disparues et qui jouait du tympanon appuyé contre une
colonne brisée.
    La
guirlande de bœufs qui cernait l’œuvre d’art en une ronde sempiternelle avait
été découverte intacte au plus profond de la crypte écroulée. Les anses énormes
du cratère étaient gravées de deux Gorgones mythologiques difficilement
explicables et qui tiraient la langue au monde entier.
    C’étaient
les seules allusions aux forces mauvaises qui depuis ce temps et avant lui ont
toujours entravé la marche de l’humanité. Jusqu’ici l’Antiquité comme les temps
modernes n’avaient jamais proposé à nos méditations que des étripaillages, des
vengeances et des démonstrations de force. Je me souvenais de mes livres
d’histoire. Les enjolivures des vases antiques et leurs incrustations
n’offraient à nos yeux d’enfants que des combats où la louange était réservée à
la force, à la brutalité, à la ruse déloyale. Ce n’étaient que sabres au clair
et poignards sur la gorge. Je revoyais, dans mes livres de classe, le sacrifice
du minotaure par Thésée, la daube de chair humaine qu’Atrée fit servir à ses
ennemis. Je revoyais le motif d’un vase grec somptueux avec ses flancs
historiés : hoplites grecs dansant la pyrrhique. C’était une danse de mort
à coups de lance.
    Ici au
contraire, c’était un art charmant, délicat, naïf. Un art sortant du néant de
l’histoire et qui n’avait jamais eu maille à partir avec la nature retorse des
hommes. Un art de commencement des siècles quand la pureté de la terre toute
neuve n’avait pas encore été souillée par l’aspiration de l’homme vers un quelconque
pouvoir. Il n’y avait pas de victoire en vue sur les flancs de la mer d’Hiram.
On doutait même si le peuple qui adorait l’Éternel à travers lui imaginait ce
que c’était qu’une victoire et si le mot lui-même existait.
    On était
l’hiver, juste avant Noël, quand la dernière plaque de bronze nue et sans
ornement fut juxtaposée aux flancs du vase par les maîtres ferronniers,
lesquels continuaient à ne vouloir être que des forgerons de village.
    La Noël
vint. J’avais fait dire partout à Mane que ce soir-là, après la messe, je
ferais au château une grande distribution de vin chaud et que je réservais une
surprise à mes hôtes d’un soir. J’avais même préparé de mes mains une daube de
consolation qui devait embaumer dans tous les coins du château.
    Le peuple
en rumeur n’avait pu ignorer mon invention ni manquer d’en tirer des
conclusions extravagantes. Quelques-unes de mes commensales du matin s’en
ouvrirent à l’abbé Sicard. Celui-ci vint en personne à Gaussan, en compagnie du
curé de Mane. Tempier leur donna toutes les explications nécessaires mais au
mot de franc-maçon qu’il prononça négligemment pour expliquer les origines de
la connaissance d’Hiram par les gens de sa profession, les deux ecclésiastiques
se redressèrent d’un pied et se tinrent ainsi offensés jusqu’au salut de congé
de leur chapeau rond.
    Sur le
chemin du retour, ils se consultèrent longuement à propos de cette encombrante
découverte qui leur parut sentir le fagot. Leur peu de lumière effarouchée par
le terme franc-maçon ne leur fut pas d’un grand secours.
    Il était
trop tard pour demander l’arbitrage de l’évêque et, à plus forte raison, de
faire connaître la chose au Vatican qui mettrait dix ans à laisser moisir la
réponse ou en donner une évasive.
    Au prêche
de l’Avent, ils défendirent aux gens de Mane et de Forcalquier

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