Comment le jeune et ambitieux Einstein s'est approprié la Relativité restreinte de Poincaré
que pour désigner les choses que l’on nomme, et
non pas pour en montrer la nature.
Il est en effet pratiquement impossible de définir les
notions fondamentales car définir c’est avant tout ramener un concept donné à un
autre plus fondamental. Mais qu’y a-t-il de plus fondamental que ce qui l’est
déjà ? Si une notion est fondamentale, comment la rapporter à autre chose
qu’à elle-même ?
La distinction à faire entre définition et postulat
Pascal insiste ensuite longuement sur la distinction à faire
entre une définition, qui est arbitraire et donc toujours vraie, et un postulat,
ou axiome, ou proposition, qui n’est pas nécessairement vérité d’Évangile et
qui donc peut toujours être admis ou rejeté.
Ainsi, si l’on avance ce discours : « Le temps
est le mouvement d’une chose créée », il faut demander ce qu’on entend par
ce mot de temps, c’est à dire si on lui laisse le sens ordinaire et reçu de
tous, ou si on l’en dépouille pour lui donner en cette occasion celui de mouvement
d’une chose créée. Que si on le destitue de tout autre sens, on ne peut
contredire, et ce sera une définition libre, en suite de laquelle, comme j’ai
dit, il y aura deux choses qui auront le même nom. Mais si on lui laisse son
sens ordinaire, et qu’on prétende néanmoins que ce qu’on entend par ce mot soit
le mouvement d’une chose créée, on peut contredire. Ce n’est plus une
définition libre, c’est une proposition qu’il faut prouver, si ce n’est qu’elle
soit très évidente d’elle-même ; et alors ce sera un principe ou un axiome,
mais jamais une définition, parce que dans cette énonciation, on n’entend pas
que le mot de temps signifie la même chose que ceux-ci : le mouvement d’une
chose créée ; mais on entend que ce que l’on conçoit par le terme de temps
soit ce mouvement supposé.
Nombre de disputes résultent de cette confusion
Cette distinction faite par Pascal semble évidente mais
combien d’erreurs et de mésententes résultent de cette confusion. En
particulier, en Relativité restreinte, la notion de temps peut prêter à diverses
interprétations, et la distinction entre axiome et définition est fondamentale.
Pascal sait, par expérience, combien les disputes sont fréquentes par suite de
cette absence de clarification :
Si je ne savais combien il est nécessaire d’entendre ceci
parfaitement, et combien il arrive à toute heure, dans les discours familiers
et dans les discours de science, des occasions pareilles à celle-ci que j’ai
donnée en exemple, je ne m’y serais pas arrêté. Mais il me semble, par l’expérience
que j’ai de la confusion des disputes, qu’on ne peut trop entrer dans cet
esprit de netteté, pour lequel je fais tout ce traité, plus que pour le sujet
que j’y traite.
Ainsi la réflexion sur les notions premières fait prendre
conscience d’une certaine impossibilité d’appréhender par le raisonnement pur
la nature des choses. On en revient à notre question de départ ; qu’est-ce
que le temps ? Comment le définir ? Pour analyser une telle
difficulté, il faut élargir le problème à celui de l’acquisition de la connaissance.
Pour cela laissons passer un siècle et allons fouiner du côté de chez Kant.
Kant critique la raison pure
Dans la préface de la seconde édition de la Critique de
la raison pure [Ka1], paru en 1787, Kant reprend le thème pascalien de la
nécessité, en mathématique et en physique, de concepts premiers :
La Mathématique et la Physique sont les deux
connaissances théoriques de la raison qui doivent déterminer leurs objets a
priori, la première d’une façon entièrement pure, la seconde au moins en
partie, mais alors en tenant compte d’autres sources de connaissance que celles
de la raison.
Que peut-on savoir ?
Tout au long de son ouvrage, Kant analyse, entre autres, les
réponses à la question qu’il se posé : « Que puis-je savoir ? ».
C’est une longue réflexion sur la possibilité pour les hommes d’acquérir des
connaissances ; mais quelles connaissances se demande-t-il ? Il distingue
alors les phénomènes et les noumènes :
Les images sensibles, en tant qu’on les pense à titre d’objets
suivant l’unité des catégories, s’appellent phénomènes. Mais si j’admets des
choses qui soient simplement des objets de l’entendement et qui pourtant
peuvent être données, comme telle, à une intuition, sans pouvoir
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