Comment le jeune et ambitieux Einstein s'est approprié la Relativité restreinte de Poincaré
l’être
toutefois à l’intuition sensible, des choses de ce genre seraient appelées noumènes.
Ce nouveau terme de noumène, inventé par Kant, vient du grec nooumena, chose pensée. Un noumène est donc une réalité intelligible que
l’on peut opposer à la réalité sensible ; on peut également le définir
comme étant une chose en soi.
De cette distinction entre phénomènes et noumènes, les
scientifiques ont surtout retenu que la nature en soi de la réalité qu’ils
étudient leur échappera éternellement. Leur connaissance des choses sera à
jamais limitée aux phénomènes et n’atteindra jamais l’essence des choses. En
réalité, cela faisait déjà longtemps que, dans leur pratique, les savants se
préoccupaient plus des phénomènes que des noumènes mais ils n’en avaient pas
tous conscience, comme Monsieur Jourdain faisait de la prose. D’ailleurs peu de
scientifiques se posent des questions telles que : Qu’est-ce que temps ?
Qu’est-ce que l’espace ?
Ne pas mélanger concepts physiques et métaphysiques
En outre, les réflexions des philosophes permirent aux
physiciens de prendre conscience que nombre de concepts qu’ils utilisaient
couramment n’étaient pas vraiment des concepts uniquement physiques, bien qu’ils
dérivassent de la réalité tangible, mais qu’ils possédaient une forte tonalité
métaphysique. Il en est ainsi de la notion de temps si l’on ne prend pas garde
de préciser ce qu’est le temps pour le physicien ainsi que nous allons le faire
par la suite.
Un pas supplémentaire fut franchi au cours du XIX e siècle, certains considérant que la seule vérité admissible par les
scientifiques est celle que décrit l’expérimentation. Une telle tendance s’accentua
même à partir du moment où les physiciens se mirent à débattre de la Relativité
et surtout de la mécanique quantique. Il faut d’ailleurs reconnaître que les
postulats et le formalisme adoptés par la théorie quantique [H11, H12] ont
incité nombre de physiciens à considérer que les résultats statistiques donnés
par cette science constituent à eux seuls la « réalité » de la nature
sans se préoccuper d’un modèle plus descriptif des objets dont ils mesurent les
phénomènes.
Le temps des horloges
Finalement, lorsqu’on parle de la nature du temps, on ne
sait pas précisément de quoi l’on parle mais on le sait intuitivement. Heureusement,
le physicien, dans sa pratique, sait parfaitement ce que le mot temps veut dire
pour lui grâce à ses horloges. Il s’agit d’un temps parfaitement défini : le temps physique.
Le « temps physique »
C’est ici qu’il faut se rappeler la distinction que fait
Pascal entre une définition et un postulat. Le terme « temps physique »
est simplement une définition d’une grandeur que mesure le physicien. Il ne
doit donc pas être confondu avec le temps tel qu’on l’entend intuitivement afin
de ne pas faire de sa définition un postulat. Pour le physicien, il importe de
pouvoir mesurer les phénomènes, et l’invention des horloges permet cette mesure.
Le temps physique est, par définition, la grandeur
mesurée à l’aide des horloges.
Mesurer quelque chose c’est toujours comparer cette chose à
un étalon de même espèce [H13]. Il faut donc fabriquer des instruments qui
servent d’étalon pour chaque type de mesure à effectuer. Mesurer une longueur, c’est
déterminer le nombre de fois que l’étalon de longueur, le mètre, est contenu
dans cette longueur. Mesurer un temps physique c’est déterminer le nombre d’unités
de temps – la seconde – que compte ce temps.
On ne mesure donc pas en fait le temps, tel qu’on peut le
ressentir intuitivement, mais une durée, un certain intervalle de temps. La
seconde, ou toute autre sous-unité de temps physique, est une durée. Lorsqu’on
parle du temps physique t, ce nombre t est la mesure de l’intervalle
qui sépare l’instant considéré de l’origine des temps.
Le mot temps est pratiquement employé en physique à la place
de temps physique, ce qui crée souvent des malentendus, en particulier lorsqu’on
se met à réfléchir sur la nature du temps à partir des résultats des mesures du
temps physique. Certes la mesure d’un phénomène permet souvent de mieux
appréhender certains aspects de la réalité en relation avec ce phénomène, mais
encore faut-il ne pas confondre cette réalité avec son expression mathématique.
Ce n’est
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