Complots et cabales
qu'il la réclam‚t plus d'une fois à cor et cri, n'y eut jamais sa place. Les ducs et les pairs n'étaient pas tous admis, et des dix maréchaux que comptait alors le royaume seuls Schomberg et Bassompierre étaient conseillers. Les huit autres - Vitry, Saint-Géran, Chaulnes, Créqui, Ch‚tillon, La Force, d'Estrées, Saint-Luc - n'assistaient pas au Conseil. Des quatre cardinaux - La Rochefoucauld, La Valette, Bérulle et Richelieu -, seuls les deux derniers siégeaient parmi nous.
Les raisons pour lesquelles les conseillers étaient choisis ne 36
relevaient que de l'idée que se faisait Louis de leur suffisance 1, de leur discrétion et de leur fidélité, à telle enseigne que la reine elle-même n'était pas admise à siéger au Conseil, tant le roi avait de raisons de suspecter sa loyauté à son égard et à l'endroit de sa nouvelle patrie.
Peux-je ajouter que Louis, bon ménager de ses finances, avait le souci de ne pas augmenter ind˚ment le nombre de ses conseillers, car ceux-ci recevaient des émoluments, fort bien venus, même de ceux qui, comme moi, n'étaient pas pauvres. Bien le savait Louis, qui le rappela un jour avec la dernière rudesse à Bassompierre, qui, frondeur comme àl'accoutumée, se refusait à dire ce qu'il pensait sur la question qu'on débattait: "Mon cousin! s'écria Louis. Opinez! Opinez, je vous prie ! C'est votre devoir et votre fonction! N'êtes-vous pas conseiller du roi ? Et n'en touchez-vous pas les gages
quand le Conseil tenait une assemblée, seuls le roi et la reine-mère étaient assis. Les conseillers demeuraient debout, station qui, en termes de repos du corps, devenait à la longue pénible, mais avait du moins l'avantage que personne parmi eux n'avait intérêt à prolonger verbeusement les débats.
Richelieu se tenait debout à la gauche du roi, et la reinemère était assise à sa droite. Parée comme une idole, pimplochée à la truelle, alourdie de bijoux, elle remplissait tout àplein sa chaire à bras et même en débordait du côté des hanches, étant volumineuse en toutes les parties de son corps, la face en outre fort joufflue et le menton double. Bien qu'elle e˚t été la plus médiocre régente de l'histoire du royaume, elle avait d'elle-même une très bonne opinion, et promenait de haut sur les conseillers du roi un regard déprisant, borné, buté, vindicatif.
Elle n'entendait rien aux grandes affaires qui se débat-1. Compétence.
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taient en sa présence, et ne voyant jamais des choses que leur petit côté, elle se f‚chait pour des riens et se laissait alors aller à des colères véhémentes, au cours desquelles elle déversait sur l'objet de son ressentiment des injures dignes des harengères des halles, dont on se demandait bien o˘ diantre, vivant au Louvre, elle les avait apprises, sinon peutêtre de son cocher, quand il vitupérait contre d'autres cochers dans les embarras de Paris. En général, lors des Conseils, ennuyée de ces longues palabres pour elle si incompréhensibles, quand elle parlait, elle le faisait si incongr˚ment que personne, et son fils moins que tout autre, n'attachait la moindre importance à ses propos.
Si, comme j'ai dit, je n'arrivai pas au Conseil une minute trop tôt, le cardinal de Bérulle apparut, lui, une minute trop tard, mais si p‚le, si défait et si visiblement mal allant, que Louis se retournant dit à
Beringhen, debout derrière lui, d'apporter une chaire au prélat. J'entendis bien alors, et Richelieu, à qui je jetai un oeil , l'entendit mieux que personne : le pauvre Bérulle, fiévreux et suant sa fièvre, ne s'était tiré
à si grand dol et effort de sa couche que pour assister au Conseil et y répondre "non " avec véhémence à la question qui était posée ce matin-là
aux conseillers : " Faut-il ou ne faut-il pas se porter au secours de Casal assiégée par les Espagnols ? "
Bien que je fusse ce jour-là, et le suis toujours, en total discord en cette occasion avec la politique du cardinal de Bérulle, laquelle, si elle avait été adoptée, e˚t été si funeste àla fortune de France, je n'éprouvai que respect pour sa personne, et l'oeuvre qu'il avait accomplie à grand-peine et labeur en fondant l'Oratoire, institution qui avait pour but de tirer les prêtres français de l'ignorance et des mauvaises moeurs o˘ ils étaient tombés. C'étaient là le mérite et la gloire de Monsieur de Bérulle, et il e˚t d˚ y demeurer. Par malheur, on ne sait quel ligneux mal repenti
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