Complots et cabales
créance ?
- Non plus! Non plus! Ne sais-je pas que le Saint-Père, dont je suis, parmi tant d'autres, l'humble soldat, voit avec méfiance et suspicion les révélations, les voix de saintes, les extases et autres liens directs de certains fidèles avec Dieu, lesquels liens empiètent pernicieusement sur la prérogative essentielle du Saint-Père, qui est de dire aux catholiques ce qu'il faut croire et décroire.
- ¿ vous ouÔr, mon cher chanoine, vous croyez et ne croyez pas tout ensemble ladite prédiction...
- Et par-dessus tout, mon jeune et sémillant ami, sauf avec vous, je me tiens là-dessus à carreau, bouche close et cousue, pour ce que je redoute fort les dévots qui sont gens redoutables. Et si vous me permettez, in fine, ce paternel conseil, vous devriez là-dessus imiter ma prudence. N'at-on pas tenté déjà de vous u détruire " ?...
Un an, presque jour pour jour, après la conversation que je viens de relater, à savoir, le vingt-cinq décembre 1628, me trouvant à la parfin après un longuissime voyage avec Catherine, notre enfantelet, notre bonne nourrice, et nos Suisses, en mon hôtel de la rue des Bourbons en Paris, je me couchai, à la fois fort aise de retrouver avec Catherine mes pénates parisiens, et fort déconsolé d'avoir à assister le lendemain au Louvre au Grand Conseil du roi, o˘ allait se débattre une affaire de grande conséquence, et dont je prévoyais qu'elle serait très périlleuse, soulevant tant de colère, voire même de haine sourde et recuite contre le roi et 29
Richelieu, et, pourquoi ne pas le dire aussi ? contre tes plus fidèles de leurs serviteurs.
Ma petite duchesse, lassée de ce long voyage, chaque jour répété par route cahotante et froidure hivernale, s'endormit en un battement de cils dès qu'elle fut entre deux draps, mais pour moi, tracasseux que j'étais, je mis un temps infini à m'ensommeiller, et quand je le fus enfin, je tombai dans les lacets de songes calamiteux, rab‚chés sans arrêt en cervelle. Tant est que je fus bien aise que la pique du jour, traversant les rideaux, les fenêtres et les courtines du baldaquin, me vînt ouvrir les yeux et me retirer, par conséquent, de cette géhenne.
Mais cette bonace fut de courte durée, car quels ne furent pas mes chagrins et stupeurs, dès que j'eus déclos les yeux, de voir ceux de Catherine fixés sur moi avec colère, tandis que, soulevée sur son coude, elle me dévisageait.
- Monsieur, dit-elle, vous êtes un traître !
- M'amie, dis-je béant, un traître, moi ? Et qu'ai-je fait pour mériter cette messéante accusation ?
- Méchant! reprit-elle de plus belle, vous n'avez cessé dans vos songes de parler à voix haute de Casal. Et qui est cette garcelette, o˘ l'avez-vous encontrée, et quel est votre lien avec elle ? C'est ce que je vous requiers de me dire!
¿ quoi, sans que j'en pusse mais, je m'esbouffai à rire, ce qui mit la pauvrette en tel courroux que, levant ses deux petits poings, elle m'en e˚t martelé, je crois, la poitrine, si je n'avais, sans tant languir, emprisonné ses fins poignets.
- M'amie, dis-je, excusez-moi! mais Casal, qu'il faudrait, pour bien faire, prononcer " Cazalé ", n'est pas une garcelette, c'est une ville en Italie.
- Une ville ?
- Pour être plus précis, dis-je en l‚chant ses poignets, c'est la capitale du marquisat de Montferrat, lequel est accolé à la Savoie, mais appartient, en fait, au duc de Mantoue, dont le duché, par malheur, est fort loin de ce marquisat, étant situé à l'est de la péninsule et non loin de l'Adriatique.
Tant est que pour se rendre de Mantoue à
30
Casal, le duc devrait traverser la Lombardie et, qui pis est, le Milanais.
- Et pourquoi," qui pis est"?
- Parce que le Milanais est occupé par les Espagnols qui ne cherchent qu'à
s'étendre dans toutes ces régions de l'Italie pour assurer en cas de guerre des communications faciles entre les Habsbourg d'Espagne et les Habsbourg d'Autriche. Or, le duc de Savoie, Charles-Emmanuel, dont le marquisat de Montferrat se trouve si proche, alors qu'il est si éloigné de son véritable maître, est un roitelet qui tout au long de son règne (qui dure depuis un demi-siècle) se paonna de l'ambition de devenir roi et, à cette fin, t‚cha sans cesse de s'agrandir aux dépens de ses voisins. Mais, Madame, dois-je poursuivre ? Je crains de vous fatiguer. Un lit n'est peut-être pas le lieu le mieux choisi pour une leçon d'histoire.
- Monsieur, dit Catherine avec une
Weitere Kostenlose Bücher