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Crucifère

Crucifère

Titel: Crucifère Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: David Camus
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Cassiopée :
    — J’aimerais te parler, avant qu’ils n’arrivent. Ce n’est peut-être pas le moment idéal, mais étant donné ce qui nous attend de l’autre côté de la Méditerranée, je crains que nous n’ayons pas de meilleure occasion…
    Malheureusement, Cassiopée ne l’écoutait pas. Son cœur et ses pensées étaient entièrement tournés vers Morgennes. « Il est mort sans savoir que je suis sa fille. Si seulement je pouvais le lui dire… » Mais comment parler aux morts ? En priant ? « Hélas, s’il est vrai qu’il se trouve en Enfer, il ne peut pas m’entendre… »
    Son regard se porta vers la mer, où un pâle soleil affleurait – fin cil de lumière jaunissant l’horizon. « Je veux lui dire qui je suis pour lui. Je veux lui dire : “Morgennes, je suis ta fille, Cassiopée. Tu es mon père. Guyane de Saint-Pierre est ma mère…” » Mais elle était obligée d’attendre, d’attendre et d’attendre encore – ce qu’elle avait beaucoup de mal à supporter. « Chaque minute que je passe ici correspond peut-être à une année de supplice pour mon père… »
    — Alors ? demanda Simon.
    Cassiopée le regarda et comprit qu’il lui avait posé une question importante. Elle avait l’impression d’entendre un point d’interrogation s’agiter fébrilement dans les airs, autour d’elle. Comme pour confirmer cette impression, Simon avait dans les yeux la sorte d’inquiétude qu’on réserve d’ordinaire aux affaires les plus graves. Malgré cela, il avait toujours son visage d’enfant de chœur. Sa courte barbe n’y changeait rien. Il sentait le cierge et l’hostie.
    Elle prit une attitude embarrassée. Que lui avait-il demandé ? Comment ne pas le vexer ? Que lui répondre ? Trop tard. Il y a des questions auxquelles on doit répondre sans réfléchir, d’un seul allant. Celle de Simon appartenait à cette catégorie.
    — Tu ne m’écoutais pas, n’est-ce pas ? demanda Simon.
    — Pardon, je pensais à Morgennes. Je me disais que j’aurais bien aimé avoir un père, comme toi.
    — Mon père ne m’aimait pas, répondit-il amèrement.
    — Mais c’était quand même un père. Moi j’ai grandi sans. Entre ma mère et deux parrains…
    De ses deux parents disparus – l’un en Enfer, l’autre parti à sa recherche en Terre sainte –, Cassiopée ne savait lequel lui manquait le plus. Probablement Morgennes, à l’absence duquel elle ne s’était pas encore habituée. « À l’absence duquel, rectifia-t-elle, je ne m’habituerai jamais. » Il est des drames dont chaque épisode, chaque détail, est si profondément inscrit dans la mémoire qu’on ne saurait les oublier. Elle revoyait la barbe de son père, ravagée par les flammes au moment de sa chute dans le puits des Âmes. Ni Simon ni elle ne l’y avaient suivi, contrairement à son cousin Taqi – qui y avait précipité sa monture tout en leur criant : « Déguerpissez ! » Elle l’entendait encore, ce cri. « DÉGUERPISSEZ ! »
    — Je comprends, dit Simon.
    Il se pinça les lèvres et se contint pour ne pas lui déposer dans le cou le baiser qu’il retenait depuis tant de jours, tant de semaines, tant de mois…
    La première fois qu’il l’avait vue, elle était enchaînée. Prisonnière des Assassins qui l’avaient capturée pour la livrer aux Templiers blancs. En ce temps-là, elle se trouvait en son pouvoir. Tandis que maintenant… Dieu que cela semblait loin ! Existaient-ils seulement encore, ces fameux Templiers de la première loi, maintenant que leur sénéchal, Renaud de Châtillon, était mort, et que Kunar Sell et lui-même avaient rendu les armes ? Probablement pas…
    Alors que la pluie cessait, rendant la couverture de Simon inutile, un cri d’oiseau leur parvint. Levant les yeux, Simon aperçut une minuscule tache de bleu et de brun, tournoyant dans le ciel.
    — Je me demande ce que fait Montferrat, s’interrogea Cassiopée, impatiente. Il aurait déjà dû rentrer. Nous étions censés partir au plus tard ce matin…
    — Je vais le chercher ! s’écria Simon, trop heureux de pouvoir rendre service à Cassiopée.
    Il se débarrassa de sa couverture mouillée, et se précipita hors du bateau.

3.
    « Il en est de l’amour comme de l’étincelle qui couve le feu dans la suie, puis brûle et le bois et la paille – Écoutez ! – et alors il ne sait plus où fuir, celui qui est dévoré par le feu. »
    (MARCABRU,
    Invectives contre

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