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Crucifère

Crucifère

Titel: Crucifère Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: David Camus
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toujours servie, je m’en remets à Vous ! »
    Des mains – ou de puissants courants marins – l’avaient tiré vers l’amont de l’al-Assi, ce fleuve étrange qui coulait à l’envers, de la mer vers la terre. La bouche et les poumons pleins d’eau salée, Emmanuel s’était senti ballotté dans tous les sens, comme un enfant qui vient de naître et passe de bras en bras à sa sortie du ventre maternel. Jusqu’au dernier moment, il avait récité dans sa tête : «  Ave, Maria, gratia plena : Dominus tecum ; benedicta tu in mulieribus… »
    Telles avaient été ses dernières paroles – ou plutôt ses dernières pensées. Du moins le croyait-il. Tout ce dont il se souvenait avec certitude, c’est qu’il avait été blessé : à la cuisse, par un coup de lance, et au bras droit, par deux carreaux d’arbalète. Malheureusement, le visage de ses agresseurs s’était effacé de sa mémoire. C’était à peine s’il se rappelait un jeune Templier, d’un peu moins de vingt ans.
    Un Européen. Certainement une oie blanche, fraîchement débarquée en Terre sainte pour y casser du Sarrasin. Un Oriental d’une trentaine d’années l’accompagnait. Un Assassin ? Ses yeux luisaient comme deux braises au milieu des cendres ; deux braises qui le brûlaient encore. Mais ce qu’il n’oublierait jamais, c’était le son de l’olifant qu’il avait entendu résonner dans la brume – le son du cor qui les avait attirés, ses frères d’armes et lui, dans un piège mortel.
    Emmanuel aspira une goulée d’air humide, et gonfla sa poitrine. « Cela, du moins, fonctionne encore… » Tournant son regard vers son bras droit, il chercha les blessures causées par les carreaux. Il ne vit que deux grosses cicatrices, en forme d’étoile. Et sa jambe ? Il ne la voyait pas. Mais il avait l’impression que cette plaie, elle aussi, avait cicatrisé.
    « Ma mort ne t’appartient pas ! » s’entendit-il crier au mystérieux chevalier noir. Comment s’appelait-il déjà ?
    « Renaud de Châtillon ! »
    Il avait cru en prononcer le nom, mais de sa gorge n’avait jailli qu’un râle. La main revint lui caresser le front.
    « Merci, merci… », pensa-t-il de nouveau, comme si l’énigmatique propriétaire de cette main pouvait l’entendre. « Mais s’il vous plaît, dites-moi où je suis… »
    La main disparut de son champ de vision, mystérieuse et comme n’appartenant à personne.
    « Par pitié, non ! Ne partez pas ! Revenez ! »
    Il crut entendre un corps se déplacer dans la caverne, juste derrière lui. Quelque chose d’incroyablement léger glissait sur la pierre, dans un froissement de tissu. Ce n’était pas un animal, et encore moins une bête sauvage. Ce devait être un homme. Probablement un ermite. Il s’en trouvait dans le désert, disait-on. Ils vivaient dans des grottes, où ils se nourrissaient d’insectes et buvaient l’eau des cactus. Était-ce l’un de ces êtres solitaires qui l’avait tiré hors de l’al-Assi, déshabillé, soigné, nourri ?
    Il lui devait la vie. Comment le remercier ?
    « Pour commencer, il faudrait que je recouvre l’usage de mes membres… Ensuite, il me faudra sortir d’ici, et regagner le Krak… »
    La main revint. Cette fois, Emmanuel l’observa de son mieux. C’était une petite main, extrêmement fine. Presque une main d’enfant. Ses ongles étaient incrustés de crasse, et elle était si maigre que ses os saillaient. Il aurait donné cher pour voir la tête de son propriétaire.
    Puis une seconde main, jumelle de la première, lui écarta les lèvres et lui enfonça dans la bouche un objet rond et moelleux. Une datte ! Craignant d’en avaler le noyau, Emmanuel tenta de la recracher, mais elle avait été dénoyautée. Ressuscitée par ce contact, sa langue pressa le fruit sur son palais, en aplatit la pulpe, en extirpa le suc.
    — Parlez-moi, parvint-il enfin à articuler, après avoir avalé la datte. Dites-moi quelque chose…
    La main le caressa, lui posa un doigt sur les lèvres, et disparut comme elle était venue.
    — Dites-moi où je suis ! Suis-je mort ?
    — Non, souffla une voix étrange, semblable au bruit du vent dans les arbres.
    — Qui me parle ? Est-ce vous ?
    — Vous ? reprit la voix. Mais à qui vous adressez-vous, chevalier ?
    Emmanuel comprit l’incongruité de sa question, et reformula sa question :
    — À celui qui me soigne.
    Il y eut un bruit de branches s’entrechoquant,

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