D'Alembert
d'une mère qui m'aurait réclamé ; il m'eût été trop doux de la recouvrer.»
«Quand Mme de Tencin mourut, elle laissa tout son bien à Astuc, son médecin. On prétendit que c'était un fidéicommis et que le bien devait passer à d'Alembert, mais il n'en a jamais rien reçu ; il disait qu'elle aimait beaucoup Astuc et que, quant à lui, il était bien sûr qu'elle n'avait pas plus pensé à lui à sa mort que pendant sa vie.»
L'éducation des pupilles du cardinal était complète et brillante. Cent livres par an leur étaient accordées pour leur entretien et menues dépenses : une académie annexée au collège devait leur enseigner l'équitation, l'escrime et la danse. L'Université de Paris, exécutrice des volontés du cardinal, refusa sur ce point de s'y conformer.
D'Alembert, dans son enfance, n'apprit pas les belles manières et ne les connut jamais. Le jeune Lerond fit de brillantes études. La famille de Destouches, heureuse sans doute de ses succès, ne cessa jamais de veiller sur lui. La preuve en est inscrite sur le registre de la Faculté des arts. A la fin de l'année 1735, le jeune écolier, âgé de dix-huit ans, fut reçu bachelier ès arts. Il est inscrit sous le nom de Daremberg. Le registre, dont je dois la connaissance aux recherches perspicaces de M. Abel Lefranc, mentionne la réclamation du candidat Jean-Baptiste Lerond qui repousse le nom de Daremberg que sa famille veut lui imposer. Une note du recteur du collège des Quatre-Nations atteste que Daremberg et Jean Lerond sont une même personne et l'un des plus brillants élèves du collège :
Lerond Parisinus, qui cum a pueritia credidisset et solitus esset a parentibus vocitari Daremberg, inscripsit se in catalogis philosophicis Joannem Baptistum Ludovicum Daremberg, omisso nomine suo gentilitio Lerond. Supplicavit ut inscribatur suo nomine Joannes Lerond sine ullo alio cognomine.
Ut non alia subesse possit dubilatio de Joanne Lerond, dixit idem prosyndicus, juvenem illum in collegio Mazarineo a pluribus annis magna cum laude studere, omnibusque magistris esse notissimum, praesertim ipsi amplissimo rectori, et M. Geoffroy philosophiae professori, quorum lectiones exceperit, et sibi ipsi qui eum habuerit discipulum, caeteris longe antecellentem, ita ut nullus sit dubitandi locus quin juvenis qui se inscripsit Joannem Baptistum Ludovicum Daremberg idem sit qui nunc postulat inscribi se Joannem Lerond.
Quelle est l'origine de ce nom de Daremberg ? Pourquoi la famille de Destouches voulait-elle le lui imposer ? Pourquoi Jean Lerond, comme par une transaction, adoptait-il trois ans plus tard celui de d'Alembert, qu'il a rendu illustre ? Ces questions paraissent insolubles.
Je proposerai une remarque au moins singulière.
L'anagramme de
BATISTE LEROND
est
D'ALENBERT, SOIT.
Il n'est pas impossible que le jeune géomètre, familier avec la théorie des permutations, ait tourné lui-même cette inversion assez conforme aux habitudes de l'époque. Quoi qu'il en soit, dans la famille Destouches on le nommait dès l'enfance le chevalier Daremberg.
Les Archives nationales possèdent l'inventaire après décès de Michel-Camus Destouches, commissaire général de l'artillerie, frère et héritier du père de d'Alembert. On y lit :
«Item, une autre liasse contenant seize pièces qui sont mémoires des fournitures faites par ledit deffunt Michel-Camus Destouches et payements par lui faits au chevalier d'Arembert, mineur, pour servir au compte des arrérages de la pension viagère de 1 200 livres par an à lui léguées par ledit deffunt Louis-Camus Destouches.»
Le testament de Louis-Camus Destouches, conservé dans l'étude de Me Robineau, notaire à Paris, porte d'autre part : «Je donne et lègue..., plus au sieur Jean d'Arembert à présent en pension chez Bérée, faubourg Saint-Antoine, 1 200 livres de pension viagère,que je veux et entends qui lui soient régulièrement payées et par préférence à tous autres legs, en ayant touché les fonds de ceux à qui il appartient, et, s'il est encore en bas âge quand je mourrai, on lui nommera un tuteur ad hoc.»
Que signifient ces mots, en ayant touché les fonds de ceux à qui il appartient ?
Le legs serait-il un souvenir de sa mère, le seul qu'il en ait jamais reçu ?
Les Archives nationales possèdent une lettre de d'Alembert du mois de mars 1779, adressée au ministre de la maison du roi et commençant par ces mots :
«J'ai l'honneur de vous envoyer mon extrait baptistaire.
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