Douze ans de séjour dans la Haute-Éthiopie
nominativement les juges et les assesseurs à émettre le leur. Il perçoit les amendes ou les frais judiciaires, dont il s'attribue une partie. Il a droit à la surveillance du parc des moutons pour la boucherie, et il en perçoit pour lui un dixième. Dans les festins, lorsque le chef des gardes est de service, il doit se tenir debout à la tête de l'alga du maître. À moins que le Dedjazmatch ne soit sorti ou endormi, il doit toujours être à son poste, sur le seuil; aussi ses fonctions sont-elles très-fatigantes, car elles exigent une assiduité et un éveil de tous les instants. En revanche, comme c'est de lui que dépend l'accès auprès du maître, il est l'objet des prévenances de tous, ce qui rend sa position fort lucrative. Il est d'ailleurs investi d'un fief, qui, en Damote, lui permet d'enrôler pour son compte de quatre-vingts à cent quarante soldats. On choisit pour ce poste de confiance un cavalier dévoué, ferme, discret, alerte et doué d'une élocution facile. Il campe près du chef des gardes et n'a droit qu'à une tente noire.
Le Moulla-Bet-Tékouatari ( comptable de toute la maison ), contrôleur général des recettes. Sa surveillance s'étend sur tous les départements, y compris ceux attribués aux sénéchaux; il jouit de perceptions sur tous les objets de son contrôle, et de l'investiture d'un fief qui lui permet d'enrôler pour son compte au moins une centaine d'hommes. Il campe sous une tente noire, à côté du campement du premier sénéchal.
L' Afa-Negousse ( bouche du roi ). Cet officier est l'organe du Dedjazmatch pour toutes ses décisions judiciaires sur chacune desquelles il perçoit une dîme. Il doit se rendre, avant le jour, à la porte du Dedjazmatch, et dès qu'il est réveillé, il entre pour l'avertir qu'on demande justice; il prévient ensuite son subordonné, le Tchohaï-Tabbaki ( gardien des crieurs ), que le Dedjazmatch est disposé à ouïr les réclamations. Chaque réclamant, sur l'invitation du Tchohaï-Tabbaki, exprime alors à haute voix et à distance de la maison ou de la tente l'objet de son recours. Le Dedjazmatch émet sa décision, et l'Afa-Negousse, debout sur le seuil, la transmet au dehors de façon à être entendu de tous. On choisit, pour remplir cet office, un homme doué d'un organe sonore, expert feudiste et arrêtiste, habile à formuler un dispositif, versé dans la procédure et ayant une élocution correcte et choisie, car au milieu du silence où habituellement il fait entendre sa voix, le dernier goujat de l'armée ne manquerait pas de relever publiquement une expression impropre ou une faute de langage. Cet officier siége au nombre des assesseurs du Dedjazmatch, quand ce dernier tient son plaid: il est investi d'un fief important, et il est fréquemment appelé au Conseil. Ses entrées matinales auprès du Dedjazmatch lui procurent un patronage considérable. Tous les possesseurs de fiefs recherchent aussi son bon vouloir, car il peut dépendre de lui d'envenimer les plaintes de leurs vassaux qui viennent en appel devant le Dedjazmatch, comme aussi d'arrêter ou de concilier leurs réclamations avant qu'elles n'aboutissent. Il campe à part, derrière les gardiens du trésor, sous une tente blanche et entouré des huttes de ses hommes, dont le nombre varie entre deux cents et quatre cents, selon l'importance de son fief.
Le Tchohaï-Tabbaki ( gardien des crieurs ), ou gardien des appelants en justice, des réclamants ou postulants de toute sorte, qui, à défaut d'autre aboutissant, se présentent de jour ou de nuit, devant la demeure du Dedjazmatch. Dès le chant du coq, il veille avec ses subordonnés à la venue successive des postulants, et il assigne à chacun d'eux son tour pour élever la voix. Il perçoit un tant sur chaque cause et sur chaque soldat que le Dedjazmatch envoie pour transmettre sa volonté aux vassaux qui ont occasionné des plaintes. Cet officier est rarement pourvu d'un fief; on lui assigne une paye en nature ainsi qu'un certain nombre de rations pour lui et ses quelques suivants, et il trouve encore moyen de se maintenir dans l'aisance, par les exactions qu'il exerce sur les plaignants et les bonnes-mains qu'il reçoit des seigneurs. Son office est peu considéré. Il campe sous une hutte, auprès des timbaliers.
Le Feureusse-Balderasse ( maître de l'école du cheval ), ou écuyer et chef de l'écurie. Il dresse les chevaux et les mules, est responsable de leurs harnais, commande aux selliers et il
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