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Douze ans de séjour dans la Haute-Éthiopie

Douze ans de séjour dans la Haute-Éthiopie

Titel: Douze ans de séjour dans la Haute-Éthiopie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arnauld d'Abbadie
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griller les viandes et de préparer les outres provenant des chèvres tuées. Il nomme parmi eux un Aggafari et un Alaka . En outre de leur habillement, de leurs rations et d'une paye minime, ces bûcherons perçoivent les deux tiers des peaux de bœufs et de moutons abattus, et une certaine quantité de viande. Celui d'entre eux qui a porté la table perçoit, de plus, un pain à chaque fois qu'on fait un repas. L'écuyer tranchant perçoit pour son compte, par chaque animal abattu, un morceau de viande, ainsi qu'un tiers des peaux. À chaque repas, il doit présenter au Dedjazmatch le morceau choisi de viande crue ou de carbonade; ses subordonnés remplissent le même office auprès des convives. Pendant les grands festins, il préside aux distributions de viande et il doit rester debout jusqu'à la fin du repas; le boutillier doit alors lui présenter à boire. Comme les bœufs sont abattus sur la place, devant la demeure du Dedjazmatch, cet officier de bouche est responsable des dégâts ou des blessures occasionnés par les animaux qu'il manque à maîtriser. Il ne jouit que des petites entrées; il est investi d'un petit fief et profite de maints bénéfices non avoués. Il enrôle pour son compte de quarante à soixante soldats, et campe sous une tente noire auprès du Biarque. Le Dedjazmatch nomme un comptable pour contrôler son service.
    Le Tedj-Assallafi ( qui passe l'hydromel ), ou échanson. On choisit, généralement pour cet office un cavalier brave et avenant. Comme l'entrain et la physionomie des repas et des festins dépendent surtout de l'hydromel, objet des convoitises de tous, les fonctions de l'échanson y sont très-importantes. Il doit être doué de tact et de mémoire, apprécier le cas à faire de chacun, afin de diriger le boire sans l'intervention apparente du maître et d'après ses intentions secrètes. À chaque fois qu'il présente un burilé (carafon en verre) d'hydromel au Dedjazmatch, ce dernier lui en verse un peu dans le creux de la main, et il doit le boire en présence de tous; il est de service à tous les repas. Sur chaque bête abattue, il prélève un morceau spécial de viande; il a aussi une dîme sur les peaux, et il use librement de l'hydromel pour sa consommation personnelle; mais, en présence de son maître, il n'a droit de boire qu'un seul burilé, qu'il consomme sur place, afin d'exclure toute idée de convoitise de sa part. Il prélève une dîme sur le miel. Il a une tente blanche et un petit fief qui lui permet d'enrôler de quatre-vingts à cent vingt hommes. Il fait partie du campement du Biarque, son supérieur direct.
    En marche, les hanaps en corne et les burilés sont portés par les gardes du trésor; quand on verse une amphore, un de ces derniers nommé à la fonction de Gueuddavi , tient une écuelle au-dessous du hanap ou du burilé pour y recevoir le surplus de liqueur qui se répand, car chaque coupe doit être emplie jusqu'aux bords; ces égoutilles forment ses profits. Il y a plusieurs Gueuddavis; souvent cette fonction très-recherchée est confiée à un fusilier qui s'est distingué par une action d'éclat.
    C'est en présence du maître et des convives que l'échanson fait enlever avec précaution la tape soigneusement lutée qui bouche l'amphore d'hydromel. Il fait ensuite coiffer l'amphore d'un blanchet, et dans quelques maisons, lorsqu'on l'incline pour verser la liqueur, un fonctionnaire qu'on appelle Tedj-Tchari ( griffeur de l'hydromel ) a le privilége de frapper ou de gratter le blanchet, avec le bord d'un hanap, afin d'activer la filtration de l'hydromel. L'hydromel qui tombe dans son hanap constitue son bénéfice. Si l'échanson trouve qu'il prélève trop sur la liqueur, au lieu d'un hanap, il a le droit de lui faire prendre, pour gratter le blanchet, une serre desséchée d'oiseau de proie. Cette fonction bachique est fort enviée, et on la donne ordinairement à un fusilier d'élite.
    Les Fellakis ( retrancheurs ) tiennent la coupe sous l'orifice de l'amphore, et, avant de la remettre à l'échanson, ils en retranchent à leur profit un doigt de la liqueur, qu'ils ramassent dans une écuelle. Cette fonction, également fort recherchée, est souvent enlevée aux gardes du trésor pour être conférée à un fusilier d'élite. Sur la présentation des chefs de corps, le Dedjazmatch nomme à ces trois offices. Les effondrilles du vase d'hydromel en vidange sont réclamées par les fusiliers présents. L'échanson a la charge

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