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Douze ans de séjour dans la Haute-Éthiopie

Douze ans de séjour dans la Haute-Éthiopie

Titel: Douze ans de séjour dans la Haute-Éthiopie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arnauld d'Abbadie
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souvent insuffisantes à rendre. Je m'arrête au seuil d'un sujet si important et si vaste, laissant aux philosophes à y porter la lumière; et avant de reprendre mon récit, je prie de considérer que, si j'établis des rapprochements entre le vêtement éthiopien et celui des Étrusques, des Romains et des Grecs, ce n'est point pour faire montre de science et donner lieu à des scolies nouvelles, mais seulement pour contribuer à éclairer l'origine du peuple qui m'occupe, et en même temps mettre en éveil ceux qui s'adonnent à l'étude des usages antiques et qui, faute de les avoir expérimentés, comme moi, par eux-mêmes, en sont réduits à commenter les textes souvent obscurs et les représentations mortes souvent insuffisantes.
    La plupart des Éthiopiens n'ont qu'une toge; à mesure que l'aisance leur arrive, ils en ajoutent d'abord une spécialement consacrée à leurs visites à l'église, puis une plus grossière pour la nuit et une plus épaisse pour l'hiver. À la dimension et aux draperies de la toge, bien plus qu'à sa qualité, on distingue de loin l'homme d'armes du paysan, l'artisan de l'homme d'étude, l'ecclésiastique du trafiquant, le musulman du chrétien, et souvent même l'on reconnaît l'habitant de telle ou telle province.
    La toge donne une physionomie magistrale aux réunions, à l'orateur, à l'homme en prière; elle fait souvent ressembler les hommes endormis à des statues renversées, et rehausse singulièrement l'aspect qu'offre le cavalier chevauchant sur une belle monture. Elle semble moins inviter à l'égoïsme que nos vêtements ajustés formant une part strictement définie pour un seul individu. Il arrive journellement que l'Éthiopien étende un pan de sa toge sur un homme que son vêtement usé expose à la froidure, et il n'est pas rare qu'il en détache un lé pour couvrir la nudité de son semblable.
    On fait usage en Éthiopie d'une pèlerine en peau préparée avec son poil. Ce vêtement de dimension très-variable est quelquefois fait de la peau d'un poulain mort-né, d'un chevreau, d'une once, d'un chat civet, d'une panthère, d'un lionceau, d'un veau, enfin de tous les animaux domestiques ou sauvages, dont le pelage est agréable à l'œil, à l'exception toutefois du chien et de l'hyène. La peau est taillée de façon à former cinq ou six bandelettes, qui tombent sur les reins et les côtés, et à ce que la peau des deux pattes de devant vienne se croiser sur la poitrine, comme dans la statuette de Cupidon-Hercule qu'on voit au Louvre. Les plus riches pèlerines sont faites en peau de mouton, doublées en soie écarlate et quelquefois rehaussées de bosselures en vermeil; elles viennent de la frontière N. O. du Wallo et de la petite province adjacente d'Amara, où sont soigneusement élevés des moutons à longue laine. Ces moutons fournissent une toison dont les mèches atteignent jusqu'à deux coudées et plus de longueur. La toison blanche dont les mèches dépassent une coudée est regardée comme la pèlerine la plus aristocratique; les toisons noires d'une à deux coudées de long sont plus communes et ordinairement soumises à une teinture qui embellit et égalise leur couleur. Les hommes de guerre, les cavaliers surtout, portent ce vêtement par dessus la toge pour l'assujétir ou pour se préserver du froid; les jeunes paysans et les chevriers n'ont souvent que ce seul vêtement et le portent en exomis , de façon à figurer exactement la mustruca en usage à Carthage. Comme il a été dit plus haut, les soldats déposent leur toge pour le combat, et, quand ils ont une pèlerine, ils la gardent, mais l'adaptent en exomis , c'est-à-dire qu'ils passent en dehors leur épaule droite pour assurer la liberté de leur bras droit. En entrant dans l'église ou dans la maison d'un supérieur, quand on comparaît devant un tribunal, il est d'usage d'ôter la pèlerine et de draper sa toge à la façon respectueuse. Il en est de même pour tout vêtement surajouté à la toge, que ce vêtement soit en peau ou en tissu de laine, comme ceux que les Éthiopiens mettent par-dessus la toge en hiver, et qui correspondent au lacerna ou au laena des cavaliers romains. Suétone rapporte que les chevaliers avaient l'habitude de se lever et d'enlever leur lacerne lorsque l'empereur Claudius entrait au théâtre; les Éthiopiens manifestent de la même façon leur respect à l'arrivée d'un haut personnage.
    Lorsqu'ils veulent caractériser un peuple étranger, ils usent

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