Douze ans de séjour dans la Haute-Éthiopie
noueux; lianes, arbustes, arbrisseaux, une multitude de plantes sèment de leurs épines acérées le sol durci, pierreux, et souvent profondément crevassé. Des herbes hautes à dissimuler un homme à cheval, couvrent de grands espaces; une étincelle suffit pour y allumer de vastes incendies, qui envahissent rapidement; aux crépitations, aux craquements sinistres de ces embrasements subits, les carnassiers terrifiés fuient, et les reptiles sont dévorés par les flammes. La terre est ainsi purgée de quantité d'insectes venimeux et préparée à la recrudescence printanière, mais elle attriste le regard par ses tons roux, sombres, et ses arbres défeuillés aux troncs noircis.
On trouve dans les kouallas les plantes aromatiques, les bois odorants, des scorpions, d'autres insectes venimeux, ainsi que des variétés nombreuses de reptiles, depuis le boa jusqu'à un serpent gros comme le doigt, long d'une coudée à peine, dont la morsure cause la mort la plus rapide. Le bœuf est de petite taille, grêle, vif, d'un pelage fin, court et ordinairement clair. La vache donne très-peu de lait; en revanche, les troupeaux de chèvres s'accroissent rapidement, malgré les larcins fréquents des panthères, qui pullulent dans les anfractuosités des rochers. L'âne est la seule bête de somme; il est plus petit que sur les deugas, plus sobre, plus agile, son poil fin et court est mi-partie gris souris et ventre de biche.
Le cheval ne se reproduit que très-rarement dans les kouallas d'altitude mitoyenne et se reproduit quelquefois dans les kouallas les plus bas et les plus chauds dits beurha . Les hommes riches des bas pays l'importent souvent des deugas pour leur usage à la guerre; ils le choisissent de petite taille, le plus ardent possible, souvent même emporté, car son séjour en koualla, fait tomber sa fougue et le guérit ordinairement de l'habitude de prendre le mors aux dents. Son poil devient plus fin, sa robe plus soyeuse, son embonpoint disparaît; il vit moins longtemps, et, dans plusieurs kouallas d'altitude mitoyenne, il n'échappe que rarement à une maladie mortelle, ressemblant au farcin, mal dont il guérit si on l'envoie dans les pâturages d'un deuga élevé. Les indigènes assurent qu'on peut le soustraire à cette maladie, en l'empêchant de paître dans les kouallas où poussent une petite herbe garnie de longues épines et bien connue des cavaliers; ce qui semblerait donner raison à leur observation, c'est que cette herbe n'existe pas dans les kouallas dits beurha , et que les chevaux n'y sont point frappés de la maladie en question.
Les animaux sauvages, tels que les grandes et les petites antilopes, la gazelle et tous ses congénères, abondent. Les sangliers de taille moindre que ceux des deugas se multiplient étonnamment, quoique de nombreux lions en fassent leur proie habituelle: les hyènes et les chacals sont d'une férocité plus grande. Dans les kouallas les plus bas, dits beurha , on rencontre le buffle, le rhinocéros, l'éléphant, la girafe, l'autruche, l'onagre, l'hippopotame, le crocodile et bien d'autres animaux malfaisants. Ces quartiers sont souvent égayés par des bandes de grands singes cynocéphales, mis en fuite par la fronde des gardiens des plantations; ils s'arrêtent hors portée, s'entre-pillent les fruits de leurs larcins, cachés dans leurs joues, et regardant malicieusement le champ qu'ils ont dévasté, se réjouissent en cris et en gambades, pendant que les vieux de la bande, les stratéges, ont l'air de prendre gravement leurs mesures pour un nouveau plan de maraude.
Cette distribution de l'Éthiopie en deugas et kouallas, jointe à la périodicité de ses pluies, donne au régime de ses eaux un caractère spécial. Ailleurs, les cours d'eau arrosent et fertilisent; en Éthiopie, ils semblent distribués comme d'après un vaste système d'égouttement des terres ou drainage, et n'arrosant que leur lit, ils vont porter la fécondité aux terres de la Nubie et de l'Égypte, qui, sans ces cours d'eau, ne seraient qu'un désert aride. L'hiver, les cours d'eau des kouallas, augmentés de tous côtés par le regorgement des eaux pluviales des deugas, deviennent torrentueux, mais pendant l'été et l'automne, il ne reste que des lits quelquefois complètement desséchés; les sources sont rares, peu abondantes, de longs espaces en sont dépourvus. D'autre part, les kouallas qui ont des cours d'eau continus, un peu volumineux, sont frappés d'insalubrité. Les
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