Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Du sang sur Rome

Du sang sur Rome

Titel: Du sang sur Rome Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Steven Saylor
Vom Netzwerk:
toutes
choses signale son inclination pour les penseurs grecs. Enfin, il travaille
énormément la rhétorique, la grammaire et l’éloquence. Je me doute que tu n’as
pas pris une seule leçon en ce domaine, mais l’esclave peut absorber beaucoup
au contact régulier des arts. Cela se sent à ton discours, à tes manières, aux
inflexions de ta voix. Il est clair que Cicéron a consacré beaucoup de temps et
de peine aux sciences du langage.
    « Je conclus de ce qui précède que Cicéron souhaite être
avocat et plaider devant les Rostres. Le seul fait que tu sois là me le laisse
à penser. La plupart de mes clients – du moins ceux qui sont
respectables – sont ou politiciens, ou avocats, ou les deux à la
fois. »
    Tiron hocha la tête.
    — Mais comment as-tu deviné que Cicéron était jeune et
débutait dans la carrière ?
    — Si sa réputation d’avocat était établie, j’en aurais
entendu parler, n’est-ce pas ? Combien de cas a-t-il traités ?
    — Un seul, reconnut Tiron. Et rien de spectaculaire :
un simple règlement de compte entre associés.
    — Ce qui confirme son inexpérience. Comme le fait qu’il
t’ait envoyé en éclaireur. Est-il juste de dire que tu es l’esclave de
confiance de Cicéron ? Son serviteur préféré ?
    — Son secrétaire particulier. Depuis toujours.
    — Tu lui portais ses livres en classe, tu lui faisais
répéter sa grammaire, tu as préparé ses notes pour sa première plaidoirie au
tribunal ?
    — En effet.
    — Eh bien, tu n’es pas le genre d’esclaves qu’on envoie
d’habitude chez Gordien. Seul un novice, cruellement ignorant des usages,
commettrait la bourde de déléguer son bras droit jusqu’à ma porte. Tu m’en vois
flatté, même si cette flatterie ne m’était pas destinée. En guise de
reconnaissance, je te promets de ne pas ébruiter dans tout Rome que Marcus
Tullius Cicéron s’est ridiculisé en dépêchant son meilleur esclave au misérable
Gordien, fouilleur de merde et agitateur de profession ! On en rirait
encore plus que de son nom.
    Ma sandale buta contre une racine de saule. Je me cognai le
doigt de pied et réprimai un juron.
    — C’est vrai, reprit doucement Tiron. Il est tout
jeune, comme moi. Il ne connaît pas encore les ficelles du métier, les
gesticulations vaines et les formules creuses. Mais au moins, il sait à quoi il
croit – ce qu’on ne peut pas dire des autres avocats.
    Je regardais mon doigt de pied, qui par miracle ne saignait
pas. Mon petit jardin est peuplé de divinités, rustiques et mal élevées comme
lui. J’étais puni pour avoir taquiné un innocent. Je le méritais.
    — La loyauté te sied bien, Tiron. Quel âge a ton
maître, au juste ?
    — Cicéron a vingt-six ans.
    — Et toi ?
    — Vingt-trois.
    — Un poil plus vieux que je ne l’aurais cru, l’un et l’autre.
Je n’ai donc que sept ans de plus que lui. Mais cela fait toute la différence,
dis-je, songeant à la fougue des jeunes gens prêts à changer le monde.
    Une vague de nostalgie me traversa, aussi légèrement que la
brise dans les branches du saule. Je baissai les yeux et vis notre reflet dans
une flaque d’eau claire. J’étais plus grand que Tiron, plus large d’épaules,
plus lourd à la ceinture. J’avais la mâchoire saillante, le nez busqué, les
yeux bêtement marron et non pas lavande. Nous n’avions en commun que nos
boucles noires et indisciplinées ; les miennes commençaient à se teinter
de gris.
    — Tu as mentionné Quintus Hortensius. Comment sais-tu
que c’est lui qui t’a recommandé à Cicéron ?
    — Je ne le savais pas. Ce n’était qu’une supposition – mais
c’était la bonne. L’air de stupéfaction sur ton visage m’a vite donné raison.
Une fois le lien avec Hortensius établi, tout était clair.
    « Que je t’explique. L’un de ses sbires est venu me
voir il y a une dizaine de jours pour me sonder sur une affaire. Celui qui
vient à chaque fois qu’Hortensius est en peine. La seule pensée de cette
créature me donne le frisson. Où trouve-t-on des recrues aussi abominables ?
Et qu’est-ce qu’ils font tous à Rome, à s’étriper les uns les autres ?
Évidemment, ton maître ne soupçonne pas cet aspect de la profession. Enfin, pas
encore.
    « Quoi qu’il en soit, l’émissaire d’Hortensius frappe à
ma porte. Me pose un tas de questions oiseuses, ne me dit rien, tourne autour
du pot, bref, le genre de simagrées qu’on emploie pour

Weitere Kostenlose Bücher