Du sang sur Rome
autrement,
mais peu importe. Peu importe que Glaucia, le géant, cette brute sanguinaire,
fut un moins que rien comparé aux Roscius. Ou que les Roscius ne fussent que
des enfants entre les mains d’un Chrysogonus. Ou que Chrysogonus ne fut qu’un
jouet pour Sylla. Ou que Sylla ne fut qu’un fil qui s’était détaché de la trame
or et rouge sang tissée depuis des siècles par des familles aussi illustres que
celle des Metellus. A force de comploter, ils pouvaient à juste titre prétendre
qu’ils avaient fait de Rome ce qu’elle était aujourd’hui. Dans leur République,
même un mendiant sans voix pouvait avoir droit à la dignité qui est celle d’un
Romain et se frotter les mains en voyant le sang d’un criminel de bas étage. Si
je lui avais apporté la tête de Sylla sur un plateau, il n’aurait pas été plus
heureux.
Je pris une pièce de monnaie dans ma bourse pour la lui
donner, mais il n’y prêta pas attention, il serrait son couteau à deux mains et
dansait en rond. Je remis la pièce dans ma bourse et m’éloignai.
Après avoir fait quelques pas, je m’arrêtai et me retournai.
Le garçon était figé sur place. Il serrait le couteau et me regardait partir d’un
air triste. Nous restâmes un long moment sans nous quitter des yeux. Enfin je
fis un geste et il accourut.
Nous parcourûmes tout le Goulet, main dans la main, et nous
gravîmes l’étroit sentier qui montait chez moi. Sur le seuil, je criai à
Bethesda qu’il y aurait désormais une bouche de plus à nourrir.
FIN
Postface
Le roman Du sang
sur Rome concilie histoire et
imagination. Parmi les sources de l’auteur, il convient de mentionner tout
particulièrement le Plaidoyer pour Sextus Roscius d’Ameria (Cicéron, Discours, tome I, Paris, Les Belles Lettres, 1965), que
l’illustre orateur prononça en 80 avant Jésus-Christ, à l’âge de vingt-six ans.
Steven Saylor a condensé et adapté le long document consacré
à la défense de Sextus Roscius accusé de parricide. En revanche, le romancier a
imaginé le réquisitoire de Gaïus Erucius, dont le texte latin ne nous est pas
parvenu.
Le lecteur français qui
souhaite approfondir sa connaissance de l’époque pourra utilement consulter les
ouvrages suivants : Bordet, Marcel, Précis d’histoire romaine (Paris, A. Colin, 1991) ; Carcopino, Jérôme, Rome à l’apogée de l’Empire (Paris,
Hachette, 1994) ; McCullough, Colleen, Le Favori des dieux (Paris, L’Archipel, 1996) ; Grimai, Pierre, Cicéron (Paris, PUF, 1993) ; Hinard, François, Sylla (Paris, Fayard, 1985) ;
Robert, Jean-Noël, Éros romain (Paris, Les Belles Lettres, 1997).
Afin de respecter la spécificité de l’atmosphère, nous avons
conservé le tutoiement. Bien que la société latine fût hiérarchisée, il était
de tradition de ne pas vouvoyer la personne à laquelle on s’adressait. Cette
règle était valable même pour l’esclave qui tutoyait son maître.
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