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En Nos Vertes Années

En Nos Vertes Années

Titel: En Nos Vertes Années Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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dévoué
au vôtre, à l’occasion, ma bonne hôtesse, reprit-il, pinçant alors une autre
corde dont c’est merveille ce qu’il lui fit dire en complément de son œillade.
    — Foi de chrétienne ! dit
l’alberguière en riant, tu es bien fendu de gueule, à ce que je vois, valet, et
ta musique aussi. Comment te nomme-t-on ?
    — Miroul, à votre service, dit
notre valet qui, pinçant sa viole, chantonna derechef à mi-voix :
     
    Miroul les yeux vairons !
    Un œil bleu, un œil marron !
     
    Mais ceci, hélas, me serra fort le
cœur, car c’est ainsi que la petite Hélix accueillait Miroul dans les
rémissions de sa longue agonie, quand il venait, à ma prière, sa viole en main,
tâcher de lui faire oublier les flammes de son pâtiment. Toutefois je refoulai
aussitôt ce souvenir dans la gibecière de ma mémoire. C’était en avant de moi
désormais, et non pas en arrière, que je voulais regarder.
    — Miroul ! dit l’hôtesse
en battant du cil et en se trémoussant, je n’ai guère fiance en ce vairon-là.
Car si l’œil bleu est sage, l’œil marron est coquin.
    C’était si bien badiné que je voulus
y mettre mon grain, attiré au demeurant par cette belle garce comme la limaille
par l’aimant.
    — Ma commère, dis-je en me
retournant tout à fait et venant à elle d’un pas vif, le dos droit et les mains
aux hanches, quoi que tu nous demandes en aide, secours, ou service, tu l’auras
assurément sur ta belle mine et gracieuse charnure.
    — Voilà propos, dit-elle, qui
plus est délectable quand plus souvent il est redit.
    — Je te le redirai à toute
heure, hôtesse, si tu le veux, et de jour et de nuit.
    Mais l’alberguière, qui pensait sans
doute que nous étions allés trop vite et trop loin dès le premier mot, ne
répondit pas à cela autrement que par une révérence qui, pour dire le vrai, eût
pu donner du chagrin à un esprit austère. Car elle dut, quand elle se releva,
remettre de ses doigts légers ses jolis avantages au douillet logis de son
corps de cotte.
    — Moussu, dit-elle avec un air
de feinte confusion, venons-en à nos affaires : Voici que nous arrivent au
débotté cinquante pèlerins de Normandie qui se rendent saintement à Rome sous
la conduite d’un puissant Baron et d’une demi-douzaine de moines.
    — Je les ai ouïs, je
crois ! dis-je en riant.
    — Hélas ! dit
l’alberguière, ce n’est pas là le pire ! Car pour les loger, il m’en
faudra mettre quatre par lit, et dans ce lit-ci – dit-elle en désignant le
nôtre – vous n’êtes que deux. Mon noble Moussu, accepteriez-vous pour
cette nuit deux autres compagnons de lit ?
    — Hommes ou femmes ?
dis-je avec un sourire.
    — Hommes ! dit Samson d’un
air grave en quittant la fenêtre et en tirant vers nous.
    L’alberguière le considéra un
instant en silence tandis qu’il se tenait debout devant elle en sa virile
beauté et vigoureuse symétrie de corps. Elle poussa alors un profond soupir,
car bien elle sentait quel ange de Dieu c’était là, et qu’elle n’en pourrait
rien tirer, elle qui aimait tant les vifs.
    — Ce sera donc des hommes, dit
l’alberguière avec un nouveau soupir qui fit passer une petite houle dans son
corps de cotte, et qui me fit penser qu’elle eût peut-être cédé son lit aux
pèlerins pour venir dans le nôtre.
    — Des hommes, mais point des
moines ! dit Samson avec son charmant zézaiement, mais non sans roideur.
    À cela, l’alberguière s’émut fort et
changea de visage :
    — Par saint Joseph, la Sainte
Vierge et tous les saints ! s’écria-t-elle, son œil brun s’abrunissant,
seriez-vous de ces pestiférés hérétiques et suppôts du Diable qui ne peuvent
souffrir auprès d’eux la présence des hommes de Dieu ?
    — Non point, ma commère !
dis-je hâtivement, sachant combien, depuis la victoire de Montluc, les
huguenots étaient, à Thoulouse, suspects et pourchassés, même par le populaire.
Mon frère ne l’entend point ainsi ! Mon frère craint que ces moines-ci
soient trop gras et prennent dans le lit trop de place !
    — Doux Jésus ! dit
l’alberguière, à nouveau rieuse. Êtes-vous, Moussu, comme votre frère, ennemi
de l’embonpoint ?
    — Nenni ! dis-je en
avançant les deux mains hardiment. Il est des embonpoints qui sont si doux à
l’œil qu’on aimerait aider celles qui les ont à les porter !
    — Là ! Là ! dit-elle
en me tapant sur les doigts, sourcillant mais point du tout

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