Favorites et dames de coeur
alors que la société civile se dotait de lois et de codes attribuant à la femme la place d’une incapable majeure ; l’austérité révolutionnaire et le cant victorien firent bon ménage au XIX e siècle.
Les dernières favorites n’appartiennent pas à la France. L’actrice autrichienne Catherine Schratt se lia à l’empereur François-Joseph. Moins bégueules que les Français de 1770, les Viennois de 1880 se réjouirent qu’une simple bourgeoise comme eux donnât quelques instants de bonheur « conjugal » à leur cher empereur dont la vie privée en était si dépourvue. Maîtresse d’Édouard VII, la belle Mrs Keppel 7 eut le rare privilège de partager les secrets d’État britanniques.
Le faible poids politique d’un monarque constitutionnel, la simplicité des cours modernes, ont entraîné la disparition des favorites dans les royautés contemporaines. Des maîtresses subsistent, mais de volages princesses copient ou surclassent leurs mœurs : elles défrayent régulièrement la chronique et font les beaux jours de la presse à scandale.
AGNÈS SOREL
« La dame de Beauté »
Née en 1422 à Coudun ou à Froitmentel 13 . Fille de Jean Soreau ou Sorel , seigneur de Coudun (t vers 1446), et de Catherine de Maignelais.
Elle eut de Charles VII trois filles illégitimes : Marie (1440), Charlotte (1441) et Jeanne (1442).
Des débuts obscurs
Agnès Sorel aurait d’abord appartenu aux maisons d’Isabelle d’Anjou (1433-1435) et de la reine Yolande, la belle-mère du roi Charles VII, jusqu’à la mort de celle-ci (1442). Les chroniqueurs mentionnent son existence pour la première fois au début de l’année 1444, lorsqu’elle fut officiellement promue demoiselle de cour de la reine Isabelle de Sicile. Le roi n’afficha publiquement sa faveur envers Agnès que le 24 mai 1444, quand elle participa à ses côtés aux festivités de la conférence de Montilz-les-Tours, qui établit une trêve de plusieurs années entre la France et l’Angleterre. Suivante de Marie d’Anjou, reine de France (1445), elle fut sûrement distinguée plus tôt par Charles VII que ne le rapportèrent les chroniqueurs.
« Une des plus belles femmes que je vis oncques 14 »
À l’exception de sa mère, la reine Isabeau de Bavière, qui l’avait renié en 1420 lors de la conclusion du honteux traité de Troyes, Charles VII doit décidément tout au beau sexe : sa belle-mère Yolande d’Aragon le conseilla, l’étonnante Jeanne d’Arc le mena au sacre et Agnès Sorel lui donna cette assurance qui lui faisait encore défaut.
Fidèle, discrète, douce et équilibrée, Agnès aima de tout son cœur cet homme à la mine triste, au physique ingrat, fils d’un roi fou et d’une reine décriée, qui douta tant de lui-même. Elle lui apporta une affection vigilante, à lui qui en fut si privé. En conséquence de quoi il l’éleva en faveur, lui accordant une place jamais obtenue par une femme auprès d’un roi, hormis la reine. Cela provoqua un drame dans la famille royale, car la conduite déloyale du dauphin Louis envers son père s’explique aussi par la haine qu’il voua à la favorite ; il l’accusa de tous les maux et surtout d’humilier sa mère, la reine Marie d’Anjou, par sa seule présence. Charles VII n’eut cure de l’argument : son caractère sensuel l’inclinait plutôt vers cette blonde et fraîche jeune femme, mince, avenante, affectueuse, tenue pour la plus belle de son temps, instruite « avec langage honnête et bien poli », que vers son épouse languissante, alourdie par les maternités et de conversation médiocre. Telle une fée bienveillante, Agnès apporta à la cour de Charles VII l’ornement raffiné qui lui manquait jusque-là.
Poussant ses amis et parents au service de l’État, elle « fit en sa qualité beaucoup de bien au royaume de France, car elle avançait devers le roi jeunes gens d’armes et gentils compagnons dont depuis le roi fut bien servi 15 » . Charles VII sut employer et récompenser ces loyaux serviteurs. L’un d’eux, Pierre de Brézé, devint ainsi sénéchal d’Anjou et de Normandie, puis principal conseiller du gouvernement, postes obtenus par sa compétence mais aussi redevables du constant soutien de la favorite, grande amie de ce nouvel « homme fort ».
«…le temps où les femmes avaient bruit en France »
Cette phrase du chroniqueur Olivier de La Marche témoigne de l’importance des femmes proches du roi. La
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