Favorites et dames de coeur

AVANT-PROPOS
    Favorites et « dames de cœur » sont présentées dans leur contexte historique et dans l’ordre chronologique. Le livre comporte autant de chapitres que de favorites et chacune d’elle obéit au schéma ci-après :
    – état civil : naissance, parents, mariage, postérité ;
    – carrière antérieure éventuelle avant distinction ;
    – liaison avec le roi dans l’ordre chronologique ou thématique ;
    – fin de vie ;
    – brève conclusion ;
    – annexes : détails divers ou insolites.
    Les jeux de l’amour et du hasard ne se satisfont toutefois pas d’une sèche énumération de dates, de faits et de noms : la nature même du sujet bannit toute austérité et autorise quelque licence. Nous n’avons pas renoncé aux analyses sérieuses, ni « romancé » ce qui n’a pas vocation à l’être, mais nous avons délibérément usé d’un style plus littéraire que « scientifique », recourant plus volontiers à l’anecdote. Ayant esquissé autant que possible le caractère de ces héroïnes de l’histoire galante, nous pensons qu’il ne faut pas rester prisonnier des apparences ; à cause des multiples facettes qui la composent, jusqu’à la contradiction incluse, aucune favorite ne répond parfaitement à un type déterminé. Ainsi sont tous les êtres doués de raison.
    Nous ne cherchons pas plus à démontrer l’improbable existence d’une « guerre des sexes », sur le modèle périmé de la « lutte des classes » ou sur celui, aussi totalitaire, du « politiquement correct » que les communautaristes de tout poil essaient de nous imposer. La complémentarité de l’homme et de la femme nous paraît suffisamment prouvée par les lois de la nature. Nous refusons donc l’affrontement manichéen cher à quelques amazones postmodernes, où la femme « libérée » écrase l’insupportable mâle oppresseur. Nous voyons plus simplement dans ces liaisons illégitimes le triomphe de l’amour sur la raison d’État.

LA FAVORITE,
QUASI-REINE DE FRANCE
    Phénomène récent de l’histoire de France, la favorite apparaît au XV e siècle et son apogée correspond à celle de la monarchie, de François I er à Louis XIV. Son déclin sensible au XVIII e siècle accompagna celui du roi dans l’opinion ; Mme du Barry, dernière favorite de l’Ancien Régime, périt sur la guillotine, sanglant autel du puritanisme révolutionnaire. Or, la vie intime des rois de France ne concernait que ceux-ci, et non de rigides censeurs, probablement jaloux.
    Le phénomène est aussi limité dans le temps : la dernière favorite royale se manifesta sous Louis XVIII et s’effaça de la vie publique à sa mort en 1824. Les rois, empereurs ou présidents qui suivirent ne furent pas tous plus sages que leurs prédécesseurs, mais jamais ils ne ranimèrent le rôle à la fois avili et prestigieux de la favorite d’Ancien Régime, qui prenait quelque part à la destinée du pays.
    Les rois de France qui vécurent antérieurement au XV e siècle ne dédaignaient pas les charmes de concubines passives et généralement dénuées d’intérêt : leur emploi se bornait à assouvir le brutal repos du guerrier. Exception notable, Frédégonde, compagne de Chilpéric I er , fit assassiner la reine Galeswinthe et jusqu’aux fils que ce roi avait eu d’autres femmes (568-580). D’autres souverains furent tantôt fidèles, tantôt volages. Sacralisé au XII e siècle, le mariage imposa la règle morale du respect conjugal que, de Louis VI à Philippe le Bel, tous les rois de France observèrent, à l’exception de Philippe Auguste. Quant à l’amour courtois, il appartient à ces mythes qui nous abusent : le médiéviste Jacques Le Goff a démontré que cet amour, loin d’être aussi éthéré qu’on le prétend, portait un esprit bien plus coquin que chaste.
    Qu’est-ce qu ’ une favorite ?
    Le Dictionnaire universel de Furetière 1 définit le favori ou la favorite comme une personne « qui a les bonnes grâces d’un prince », quelle que soit la nature de leur liaison ; le Dictionnaire de la langue française 2 précise qu’elle en « jouit exclusivement »  ; la favorite est aussi la « maîtresse préférée d’un souverain », à qui elle doit sa position et sa fortune. La favorite était donc l’élue de cœur du roi bien plus que la reine, épousée par devoir d’État afin d’assurer la lignée et signer la paix avec son pays d’origine. Mais la