Gauvain
probablement ce même neveu d’Arthur. Et Joseph Loth d’expliquer le passage de Walcmoel à Gwalchmei par une erreur de transcription qui aurait été Walc-Mœi . Il n’en reste pas moins vrai que l’ancien nom de Gauvain relève d’un modèle armoricain et non pas gallois, à moins que ce modèle, encore plus ancien, ne remonte à une époque où le gallois et le breton armoricain constituaient, avant le XI e siècle, une même et unique langue.
Cependant, quelle signification choisir ? La forme walcmoel se traduit aisément par « faucon chauve ». Mais quel rapport peut-il y avoir entre un « faucon chauve » et le « faucon blanc » que suggérerait la forme française ? Et pourquoi le « faucon de mai » ? Tout cela est irritant et le devient davantage encore si l’on fait référence à une tradition armoricaine de la région de Tréguier qui évoque un certain Guengualc ( Gwengwalc’h en breton moderne), soit littéralement « blanc faucon », et à qui arrive une aventure peu ordinaire consignée dans la très édifiante Vie latine de saint Tug-dual . Le héros est un jeune « écolier » (c’est-à-dire une sorte de séminariste) qui, au cours d’une promenade en compagnie de ses camarades sur le rivage de l’estuaire, tombe à l’eau et, après avoir été sauvé, raconte une histoire ahurissante : une « fée des eaux » l’a entraîné, elle a même noué son écharpe à sa cheville. Pendant une année, le jeune homme souffre d’une maladie de langueur et finit par succomber. Cette aventure, qui met en valeur le rôle protecteur de saint Tug-dual et se veut édifiante quant à l’attitude des clercs en face des femmes, n’est que la récupération à peine christianisée d’un ancien récit mythologique bien connu en Irlande et totalement païen : au jeune Condlé, fils du grand roi Conn, apparaît une fée qui l’invite à venir en son pays merveilleux et lui laisse une pomme. Pendant une année entière, il reste prostré, ne se nourrissant que du fruit ; après quoi, malgré les efforts de son père et des druides, il va rejoindre la fée sur un bateau de verre et disparaît pour toujours {3} . Or, pourquoi s’est-on cru obligé de récupérer cette histoire des temps anciens et de donner au héros le nom de « faucon blanc » qu’il ne portait pas dans l’original ?
Au sein de cette confusion, une constante demeure : le faucon. C’est peut-être à partir de cet emblème qu’il est possible d’appréhender le rôle et la fonction exacts de Gauvain dans les innombrables aventures qui conduisent les héros arthuriens au voisinage immédiat du Château du Graal. Évidemment, on pense tout de suite à Horus, le dieu égyptien représenté sous l’aspect d’un faucon. Certes, il est peu probable qu’il y ait un rapport direct quelconque entre les fables mythologiques des Égyptiens et celles des Celtes. Il faudrait plutôt chercher les traces d’une tradition universelle primitive qui aurait utilisé des symboles permanents. Car le faucon n’est qu’un symbole. Si les Égyptiens en ont fait l’un de leurs principaux motifs divins, c’est parce qu’ils ont été frappés par la beauté et la prestance de l’oiseau de proie qui, de surcroît, possède une étrange tache sous l’œil, œil d’ailleurs considéré comme omnivoyant, comme capable de percer l’horizon et d’en pénétrer les moindres recoins. C’est pourquoi, en le représentant parfois capuchonné, on voulait montrer qu’en lui résidait la lumière secrète , la vision potentielle qui ne demandait qu’à jaillir sur le monde. Quel meilleur emblème trouver pour Gauvain, l’éternel errant en quête perpétuelle d’un Graal insaisissable et qu’il appelle pourtant de tous ses vœux ? Mais Gauvain est encapuchonné : d’étranges femmes, qui sont des fées, l’entraînent dans leurs cavernes. Quand il parvient à en sortir, il est ébloui et ne peut plus retrouver son chemin.
Les Égyptiens ont fait du faucon le symbole d’Horus, le jeune dieu issu d’un étrange accouplement, celui d’Isis, la déesse mère, avec son frère Osiris déjà mort , démembré par son frère Seth, et reconstitué patiemment par l’épouse-sœur. Mais la seule chose qu’Isis n’ait point retrouvée dans sa quête passionnée, c’est le sexe d’Osiris. Aussi en fabrique-t-elle un, tout comme le dieu irlandais Diancecht fabrique en faveur du roi Nuada le bras d’argent qui lui
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