Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
George Sand et ses amis

George Sand et ses amis

Titel: George Sand et ses amis Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Albert le Roy
Vom Netzwerk:
Siméon le Stylite, y prit intérêt, rouvrit le volume le lendemain et les jours suivants. Un tableau du Titien, placé au fond du choeur, et qui représentait Jésus au Jardin des Olives, lui sembla s'illuminer et révéler le sens profond de l'agonie du Christ. Elle eut la vague curiosité de poursuivre ses lectures, d'aborder la vie de saint Augustin, celle de saint Paul, d'évoquer le peu de latin qu'elle avait su pour comprendre et admirer les psaumes. Elle ouvrit l'Evangile, s'en pénétra, s'y complut, et elle retourna au pied de l'autel, non seulement aux heures obligatoires, mais pendant les récréations. A la pâle clarté de la lampe du sanctuaire, elle priait, suivait son rêve mystique. Et le spectacle de cette chapelle, où son âme se renouvelle et s'épure, est demeuré gravé en sa mémoire : «La flamme blanche se répétait dans les marbres polis du pavé, comme une étoile dans une eau immobile. Son reflet détachait quelques pâles étincelles sur les angles des cadres dorés, sur les flambeaux ciselés et sur les lames d'or du tabernacle.
    La porte placée au fond de l'arrière-choeur était ouverte à cause de la chaleur, ainsi qu'une des grandes croisées qui donnaient sur le cimetière. Les parfums du chèvrefeuille et du jasmin couraient sur les ailes d'une fraîche brise. Une étoile perdue dans l'immensité était comme encadrée par le vitrage et semblait me regarder attentivement. Les oiseaux chantaient ; c'était un calme, un charme, un recueillement, un mystère, dont je n'avais jamais eu l'idée.»
    Peu à peu la chapelle se vida, la dernière religieuse, après avoir, selon la coutume de la communauté, non seulement plié le genou, mais baisé le sol devant l'autel, alluma sa bougie à la lampe symbolique. Aurore resta seule, et le grand ébranlement nerveux des conversions et des extases se produisit en elle. La grâce opérait avec la soudaineté de son efficace.
    «L'heure s'avançait, la prière était sonnée, on allait fermer l'église. J'avais tout oublié. Je ne sais ce qui se passait en moi. Je respirais une atmosphère d'une suavité indicible, et je la respirais par l'âme plus encore que par les sens. Tout à coup un vertige passe devant mes yeux, comme une lueur blanche dont je me sens enveloppée. Je crois entendre une voix murmurer à mon oreille : Tolle, lege.»
    C'en était fait. Elle aimait Dieu. Tout son être lui appartenait. Un voile venait de se déchirer devant ses regards. Elle entrevoyait une Terre promise et voulait y pénétrer. Ses appels, ses prières allaient à la divinité inconnue qu'elle adorait. Et les sanglots qui secouaient sa gorge, les larmes qui inondaient ses joues, attestaient la ferveur de son exaltation.
    De sens rassis, longtemps après, elle nous en donne une preuve décisive : «J'étais tombée derrière mon banc. J'arrosais littéralement le pavé de mes pleurs.»
    Dès lors sa dévotion prit une forme passionnée et fougueuse. Les résistances de sa raison, les fantaisies de son humeur, les singularités de son caractère eurent tôt fait de capituler devant l'explosion victorieuse et triomphante de la foi. Ce zèle fut contenu par le tact d'un confesseur habile homme, l'abbé de Prémord, jésuite, ou, comme on disait alors, Père de la foi. Il écouta avec bienveillance la confession générale d'Aurore, c'est-à-dire le récit de sa vie passée qui dura trois heures. Quand elle eut terminé, il refusa d'entendre sa confession-elle s'était confessée en se racontant-et il lui donna sur-le-champ l'absolution : «Allez en paix, vous pouvez communier demain. Soyez calme et joyeuse, ne vous embarrassez pas l'esprit de vains remords, remerciez Dieu d'avoir touché votre coeur ; soyez toute à l'ivresse d'une sainte union de votre âme avec le Sauveur.» Elle communia le lendemain, fête de l'Assomption. Elle avait quinze ans. Ce fut, à l'en croire, 1e véritable jour de sa première communion. Dans l'intervalle, elle ne s'était pas approchée du sacrement. Pour réparer cette négligence, durant plusieurs mois, elle communia tous les dimanches, et même deux jours de suite. «J'en suis revenue, dit-elle dans l'Histoire de ma Vie, à trouver fabuleuse et inouïe l'idée matérialisée de manger la chair et de boire le sang d'un Dieu ; mais que m'importait alors ?... Je brûlais littéralement comme sainte Thérèse ; je ne dormais plus, je ne mangeais plus, je marchais sans m'apercevoir du mouvement de mon corps ; je me

Weitere Kostenlose Bücher