Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
George Sand et ses amis

George Sand et ses amis

Titel: George Sand et ses amis Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Albert le Roy
Vom Netzwerk:
l'infirmerie, les instruments classiques. Le latin de Molière fut apprécié par les Anglaises qui avaient l'habitude de lire ou de psalmodier les offices en latin.
    Cette représentation marqua l'apothéose d'Aurore. Peu de temps après, au lendemain de l'assassinat du duc de Berry qui interrompit les réjouissances théâtrales préparées au couvent pour le carnaval, avec un programme de violons, de bal et de souper, madame Dupin s'avisa de ramener sa petite-fille à Nohant. Elle avait appris ses projets d'entrer en religion, qui d'ailleurs subsistaient à travers les distractions dramatiques, et elle ne se souciait pas qu'Aurore devînt nonne ou béguine. Il fallut quitter le couvent. O désespoir ! C'était le paradis sur la terre. L'idée de revoir le monde, la perspective d'être mariée, épouvantaient cette imagination de seize ans. Par bonheur la mère et la grand'mère ne devaient pas s'entendre pour choisir un prétendant.
    On accorda quelque répit à Aurore. Elle espérait du moins qu'un rapprochement pourrait survenir entre les deux influences qui s'étaient disputé son affection. Mais, lorsqu'elle aborda ce sujet, sa mère lui répliqua violemment : «Non certes ! Je ne retournerai à Nohant que quand ma belle-mère sera morte.» Et elle ajoutait avec son humeur emportée et aigrie : «Va-t'en sans te désoler, nous nous retrouverons, et peut-être plus tôt que l'on ne croit !» Au début du printemps de 1820, Aurore rentra à Nohant avec sa grand'mère dans la grosse calèche bleue, et le lendemain matin, quand elle s'éveilla, ce fut une sensation neuve et troublante : «Les arbres étaient en fleur, les rossignols chantaient, et j'entendais au loin la classique et solennelle cantilène des laboureurs.» Le couvent allait bientôt s'effacer et disparaître dans les brumes du passé.

CHAPITRE IV - LE MARIAGE
    Le retour à Nohant fut pour Aurore un changement douloureux. Elle se sentit d'abord dépaysée et pleura. Sans doute elle était libre, elle pouvait dormir la grasse matinée et n'avait pas à craindre d'être réveillée par la cloche du couvent et la voix criarde de sœur Marie-Josèphe. Elle sortait de tutelle et disposait de son temps, de ses pensées en toute indépendance : mais elle n'y trouvait aucun agrément. La règle habituelle manquait à son accoutumance. Les gens de la maison, ceux des alentours ne l'avaient pas reconnue, tant elle était grandie, et la traitaient avec un respect cérémonieux. Deschartres l'appelait «mademoiselle». Seuls les grands chiens, ses vieux amis, après quelques instants de surprise, l'accablèrent de caresses. Il y avait des domestiques nouveaux, notamment un certain Cadet promu aux fonctions d'aide-valet de chambre, qui, lorsqu'on lui reprochait de briser les carafes, répondait avec un grand sérieux : «Je n'en ai cassé que sept la semaine dernière.» Il semblait à Aurore qu'elle fût dans un monde inconnu. Elle regrettait la placidité routinière de la communauté. Elle s'ennuyait, elle avait «le mal du couvent».
    Madame Dupin n'était pas faite pour égayer cette solitude et dissiper la mélancolie de sa petite-fille. Elle luttait contre la surdité, la somnolence, la lassitude intellectuelle. «Aux repas, dit George Sand, elle se montrait avec un peu de rouge sur les joues, des diamants aux oreilles, la taille toujours droite et gracieuse dans sa douillette pensée ;» puis, cet effort accompli, elle se retirait dans son boudoir, persiennes closes. Pour la distraire, on jouait la comédie comme au couvent : c'était le passe-temps favori d'Aurore. Les représentations ne devaient pas se prolonger trop avant dans la soirée ; vers dix heures, on procédait au coucher de madame Dupin, et cette importante opération durait souvent jusqu'à minuit.
    L'Histoire de ma Vie nous en décrit le cérémonial : «Des camisoles de satin piqué, des bonnets à dentelles, des cocardes de rubans, des parfums, des bagues particulières pour la nuit, une certaine tabatière, enfin tout un édifice d'oreillers splendides, car elle dormait assise, et il fallait l'arranger de manière qu'elle se reveillât sans avoir fait un mouvement.»
    Après dîner, elle aimait qu'Aurore lui fît la lecture. On commença, en février 1821, le Génie du Christianisme, qui ne s'harmonisait guère avec les goûts littéraires non plus qu'avec les doctrines philosophiques de l'invétérée voltairienne, et elle formulait sur le fond et la forme de l'oeuvre les

Weitere Kostenlose Bücher