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George Sand et ses amis

George Sand et ses amis

Titel: George Sand et ses amis Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Albert le Roy
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sa phrase. «Après quoi, relate George Sand, il dit fort gravement en s'essuyant les genoux : «Je crois vraiment que je suis tombé ?-Ainsi tombera l'empire ottoman,» répliqua Aurore, que son précepteur traitait de jacobine, de régicide, de philhellène et de bonapartiste.
    Cependant les inquiétudes d'Aurore pour le salut de l'âme de sa grand'mère subsistaient et survivaient même à l'ébranlement de sa foi religieuse. Dégoûtée du culte tel qu'on le pratiquait à Saint-Chartier ou à La Châtre, elle s'abstenait d'aller à la messe pour entendre les beuglements des chantres, leurs calembours involontaires en latin, le ronflement des bonnes femmes qui s'endormaient sur leur chapelet, les bavardages de la bonne société, les disputes des sacristains et des enfants de choeur, et le bruit des gros sous qu'on récolte et qu'on compte. Elle préférait lire sa messe dans sa chambre ; mais elle aurait voulu-et en cela son catholicisme persistait-réconcilier sa grand'mère avec l'Eglise. Cet événement si souhaité se produisit par les soins de l'archevêque d'Arles, Loménie de Brienne, qui était pour la malade une manière de beau-fils, car il était issu des fameuses amours de son mari Francueil et de madame d'Epinay.
    Ce prélat, que madame Dupin avait entouré naguère de sollicitude presque maternelle, était d'une balourdise et d'une stupidité d'autant plus déconcertantes que son père et sa mère auraient dû lui léguer quelque trait de leur remarquable intelligence. Physiquement, il ressemblait à madame d'Epinay qui, de l'aveu unanime des contemporains et d'après son propre témoignage, fut laide. Au surplus, George Sand nous a tracé le portrait de l'archevêque : «Il n'avait pas plus d'expression qu'une grenouille qui digère. Il était, avec cela, ridiculement gras, gourmand ou plutôt goinfre, car la gourmandise exige un certain discernement qu'il n'avait pas ; très vif, très rond de manières, insupportablement gai, quelque chagrin qu'on eût autour de lui ; intolérant en paroles, débonnaire en actions ; grand diseur de calembours et de calembredaines monacales ; vaniteux comme une femme de ses toilettes d'apparat, de son rang et de ses privilèges ; cynique dans son besoin de bien-être ; bruyant, colère, évaporé, bonasse, ayant toujours faim ou soif, ou envie de sommeiller, ou envie de rire pour se désennuyer, enfin le chrétien le plus sincère à coup sûr, mais le plus impropre au prosélytisme que l'on puisse imaginer.»
    C'est ce prélat qui, en arrivant à Nohant, devait surmonter la résistance voltairienne de madame Dupin. Il lui fit une grotesque homélie débutant par cet exorde : «Chère maman, je ne vous ai pas prise en traître et n'irai pas par quatre chemins. Je veux sauver votre âme.» Il continuait en la priant d'être bien gentille et bien complaisante pour son gros enfant, refusait de discuter avec elle et ses beaux esprits reliés en veau, et terminait ainsi sa fantaisiste allocution : «Il ne s'agit pas de ça ; il s'agit de me donner une grande marque d'amitié, et me voilà tout prêt à vous la demander à genoux.
    Seulement, comme mon ventre me gênerait fort, voilà votre petite qui va s'y mettre à ma place.» Avec de tels arguments, renforcés par les regards suppliants d'Aurore, il eut cause gagnée. «Allons, s'écria-t-il en se frottant les mains et en se frappant sur la bedaine, voilà qui est enlevé ! Il faut battre le fer pendant qu'il est chaud. Demain matin, votre vieux curé viendra vous confesser et vous administrer. Ce sera une affaire faite, et demain soir vous n'y penserez plus.» Il passa le reste de la journée à rire, à jouer avec les chiens en leur disant qu'ils pouvaient bien regarder un évêque. Et il taquinait Aurore, lui reprochait d'avoir failli tout faire manquer et les mettre dans de beaux draps. Elle était stupéfaite de ce langage, de cette familiarité, de cette façon, écrit-elle, de fourrer les sacrements. Par bonheur le curé eut un peu plus de tact que le prélat. Devant Aurore qui assistait à la cérémonie, il résuma ainsi la doctrine de l'Eglise : «Ma chère soeur, je serons tous pardonnés, parce que le bon Dieu nous aime et sait bien que quand je nous repentons, c'est que je l'aimons.» En aparté madame Dupin dit à Aurore : «Je ne crois pas que ce brave homme ait eu le pouvoir de me pardonner quoi que ce soit, mais je reconnais que Dieu a ce pouvoir, et j'espère qu'il a exaucé nos

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