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George Sand et ses amis

George Sand et ses amis

Titel: George Sand et ses amis Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Albert le Roy
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bonnes intentions à tous trois.» Au regard du monde elle était en règle avec la divinité.
    L'archevêque, piqué de prosélytisme, essaya de chapitrer la petite-fille après la grand'mère, en se promenant ou, nous dit George Sand, en roulant comme une toupie à travers le jardin. Il eut moins de succès. «Fais ton examen de conscience pour demain. Je parie que j'aurai à te laver la tête.» Elle refusa.
    Et lui de reprendre : «Qu'est-ce à dire, oison bridé ? Mais voilà l'heure du dîner. J'ai une faim de chien. Dépêchons-nous de rentrer.» Enfin, comme la sottise n'excluait pas chez lui le fanatisme, il se rendit à la bibliothèque la veille de son départ, brûla et lacéra des livres hétérodoxes. Deschartres l'arrêta dans cette besogne.
    Le spectacle de la confession de sa grand'mère avait attristé Aurore. Elle-même ne devait plus solliciter l'absolution, à la suite d'une question indiscrète du curé de La Châtre qui, sur des bavardages de petite ville, lui demanda si elle avait un commencement d'amour pour un jeune homme. Elle quitta le confessionnal, et ne voulut pas davantage s'adresser au vieux curé de Saint-Chartier qui, lorsqu'on s'attardait à énumérer des péchés, avait coutume de grommeler : «Très bien, très bien. Allons, est-ce bientôt fini ?»
    Pour occuper ses loisirs et détendre son imagination, elle s'adonna à l'ostéologie, à l'anatomie, avec Deschartres et un camarade qu'elle appelle Claudius et qui leur apportait des têtes, des bras, des jambes, voire un squelette entier de petite fille qu'elle garda longtemps sur sa commode et qui lui causait des cauchemars. Alors elle mettait le squelette à la porte de sa chambre, et s'endormait paisiblement. Il va sans dire qu'à La Châtre on jasait de cette jeune fille qui étudiait des os de mort, tirait au pistolet, chassait, et s'habillait en garçon. On prétendit qu'elle profanait les hosties et qu'elle entrait à cheval dans l'église, caracolant autour du maître-autel, ou encore que la nuit elle déterrait les cadavres.
    Le 22 décembre 1821, madame Dupin succomba. Depuis le mois de février ses facultés s'étaient obscurcies, mais elle eut, à l'instant suprême, un retour de lucidité et dit à sa petite-fille : «Tu perds ta meilleure amie.» Deschartres, que cette mort avait affolé, réveilla Aurore vers une heure du matin et par le verglas la conduisit au cimetière. Il avait ouvert le cercueil de Maurice Dupin, souleva la tête qui se détacha d'elle-même, et dit à Aurore : «Demain cette fosse sera fermée. Il faut y descendre, il faut baiser cette relique. Ce sera un souvenir pour toute votre vie.» Etla jeune fille, s'associant à l'exaltation du précepteur, accomplit, après lui, cet acte, faut-il dire de dévotion ou de profanation ? Il referma ensuite le cercueil, et ajouta en sortant du cimetière : «Ne parlons de cela à personne. On croirait que nous sommes fous, et pourtant nous ne le sommes pas.»
    Aurore passait sous la direction de sa mère qui n'avait pas assisté aux funérailles, mais qui arriva pour l'ouverture du testament. Les dispositions prises par l'aïeule confiaient sa petite-fille à son cousin paternel René de Villeneuve, mais elles ne furent pas respectées. Il y eut des scènes violentes : madame Maurice Dupin s'abandonna à des récriminations injurieuses contre la défunte. Aurore fut révoltée. Elle aurait voulu rentrer au couvent. Il ne s'y trouvait pas de chambre vacante. Elle dut suivre sa mère à Paris. Cette période de sa vie lui laissa une impression d'amertume et de rancoeur. Entre la mère et la fille, il se produisit une série de froissements inoubliables qui attestaient une véritable incompatibilité d'humeur. Madame Maurice Dupin alla jusqu'à exhiber à Aurore des lettres de La Châtre ou de Nohant, des délations de domestiques, qui incriminaient la conduite de la jeune fille et cherchaient à la salir.
    Ce fut le comble, un débordement de désespoir et de nausée.
    De vrai, madame Maurice Dupin était folle, ou peu s'en faut. Ses nerfs malades la dominaient et lui faisaient commettre des insanités. Si elle voyait Aurore lire, elle lui arrachait le volume des mains, incapable qu'elle était elle-même de se livrer à une lecture sérieuse. Elle ne songeait qu'à s'attifer, à changer de toilette, à remuer ; elle avait des perruques, tour à tour blond, châtain clair, cendré et noir roux. Parfois, elle entamait avec sa fille le chapitre de

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