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George Sand et ses amis

George Sand et ses amis

Titel: George Sand et ses amis Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Albert le Roy
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de grâces et rentra, avec la figure expressive d'un personnage raisonnable qui reste où il se trouve bien. Il resta ainsi jusqu'à la moitié du printemps, même avec les fenêtres ouvertes pendant des journées entières. C'était l'hôte le plus spirituel et le plus aimable que ce petit oiseau. Il était d'une pétulance, d'une audace et d'une gaieté inouïes. Penché sur la tête d'un chenet, dans les jours froids, ou sur le bout de mon pied étendu devant le feu, il lui prenait, à la vue de la flamme brillante, de véritables accès de folie. Il s'élançait au beau milieu, la traversait d'un vol rapide et revenait prendre sa place sans avoir une seule plume grillée... Il avait des goûts aussi bizarres que ses exercices, et, curieux d'essayer de tout, il s'indigérait de bougie et de pâte d'amandes.
    En un mot, la domesticité volontaire l'avait transformé au point qu'il eut beaucoup de peine à s'habituer à la vie rustique, quand, après avoir cédé au magnétisme du soleil, vers le quinze avril, il se trouva dans le jardin. Nous le vîmes longtemps courir de branche en branche autour de nous, et je ne me promenais jamais sans qu'il vînt crier et voltiger près de moi.»
    Avec le printemps, la santé d'Aurore s'améliora. Il fut décidé qu'elle ferait ses couches à Paris, et le 30 juin 1823, dans un petit appartement garni de l'hôtel de Florence, rue Neuve des Mathurins, elle mit au monde un fils qui fut nommé Maurice. On sait quelle affection elle lui voua et quelle intimité d'existence, de pensée, quelle communion de tendresse il y eut entre eux durant plus d'un demi-siècle. La Correspondance de George Sand en est l'éclatant témoignage. Dès le premier vagissement, elle éprouva l'émoi d'un coeur que Casimir Dudevant n'avait pas su toucher. «Ce fut, dit-elle, le plus beau moment de ma vie que celui où, après une heure de profond sommeil qui succéda aux douleurs terribles de cette crise, je vis en m'éveillant ce petit être endormi sur mon oreiller.» Est-il besoin de noter qu'en fidèle disciple de Jean-Jacques elle allaita Maurice ? Elle se plaint seulement d'avoir gardé le lit beaucoup plus longtemps qu'il n'était nécessaire. Après la naissance de sa fille, elle se vante de s'être levée le second jour et de s'en être trouvée bien. C'était une précipitation un peu chanceuse.
    Il fallut retourner à Nohant. Deschartres, qui était venu à Paris pour le baptême de Maurice et qui l'avait consciencieusement démailloté afin de s'assurer s'il était bien conformé, ne voulait pas continuer l'administration du domaine. Casimir Dudevant dut s'en charger, et l'installation du ménage à la campagne parut, sinon définitive, du moins à long terme. Elle fut préjudiciable à l'un et à l'autre des époux. Aurore, au printemps de 1824, ressentit les atteintes d'un spleen profond. Son mari, qui avait l'esprit terre à terre et de la vulgarité dans les goûts, contracta les habitudes oisives et peu relevées du gentilhomme campagnard. Chacun d'eux s'ennuyait de son côté, et ils s'ennuyaient d'être ensemble. Un séjour d'été au Plessis vint rompre la monotonie de cette existence ; puis ils passèrent l'hiver dans la banlieue de Paris, à Ormesson. «Nous aimions la campagne, dit George Sand, mais nous avions peur de Nohant ; peur probablement de nous retrouver vis-à-vis l'un de l'autre, avec des instincts différents et des caractères qui ne se pénétraient pas mutuellement.» Aussi bien Casimir, avec la fatuité du sot, traitait-il sa femme du haut de son dédain. Il la jugeait idiote, l'accablait de la supériorité de sa toute-puissance masculine. Elle courbait la tête, «écrasée et comme hébétée devant le monde.» La première scène de violence publique s'était produite durant leur séjour au Plessis : George Sand n'en fait pas mention dans l'Histoire de ma Vie, mais l'incident fut relaté au cours du procès en séparation et figure dans deux lettres adressées par elle, l'une à son amie Félicie Saint-Agnan, l'autre à son avoué. Vers la fin de juillet, tandis qu'on prenait le café après dîner, les jeunes gens et quelques nouvelles mariées, parmi lesquelles Aurore, se mirent à se poursuivre sur la terrasse.
    Ils se jetèrent du sable, dont quelques grains tombèrent dans la tasse de M. James Roettiers. On les invita à cesser ce jeu ridicule. Comme Aurore continuait, Casimir s'élança sur elle, l'insulta grossièrement et lui administra un soufflet.

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