George Sand
mélancolie ou sa gaieté.—En 1849 elle fit jouer sa comédie pastorale de François le Champi. Nous ne la suivrons pas longuement dans cette voie nouvelle, dans laquelle l'auteur ne rencontrera jamais un succès égal à son mérite, à son effort, à son visible désir de bien faire. Le tour particulier de son talent, amoureux de l'analyse et de la poésie, ne lui profitait pas ici autant qu'ailleurs. Ce qu'il faut, au théâtre, c'est la science du relief, l'instinct de la perspective, l'habileté des combinaisons et surtout l'action, encore l'action et toujours l'action ; c'est la gaieté naturelle qui enlève le rire, ou le secret des émotions fortes et l'imprévu qui saisissent l'esprit.
L'action vive et rapide n'était pas le fait de Mme Sand. Ni l'esprit dramatique ni la vis comica ne se rencontrent chez elle. Son théâtre manque de relief ; les formes trop simples et trop nues de son art, son habitude des analyses délicates et des sentiments fins, le style même, d'une prodigieuse facilité, mais un peu prolixe et parfois un peu déclamatoire, qui tantôt ne brille que par une simplicité savante et tantôt s'illumine de l'éclair lyrique, mieux à sa place dans un roman, voilà autant d'obstacles à sa popularité sur la scène. Quoi qu'il en soit, pendant de longues années, dans la dernière période de sa vie, depuis François le Champi et le Mariage de Victorine (1851) jusqu'au Marquis de Villemer (1864), Mme Sand fut, avec un succès inégal, passionnément occupée de son théâtre.
Elle sentait très vivement chez les autres, elle appréciait ce don du théâtre qu'elle fit tant d'efforts pour acquérir et pour imposer au public. Quoi qu'on en ait dit plus tard, elle n'y réussit jamais complètement. Nous avons cependant assisté à des reprises récentes de quelques-unes de ses pièces, un peu trop vite abandonnées autrefois, et qui ont été très bien accueillies par un public nouveau ; nous venons d'applaudir [Mai 1887.] à cette jolie comédie romanesque les Beaux Messieurs de Bois-Doré et à ce drame sentimental Claudie, qui a réussi malgré le ton de prédication suranné du père Remy. Je suis assuré qu'on pourrait faire la même et heureuse épreuve sur d'autres pastorales, mises au théâtre, comme François le Champi, ou des drames voués à l'étude des âmes d'artistes, comme Maître Favilla. Il faut tenir compte d'un mouvement de réaction très marqué qui s'opère dans les esprits en faveur du théâtre idéaliste, pour comprendre ce genre de succès qui fait honneur au public lettré.
Malgré cela et quelques autres raisons tirées du charme sentimental de l'écrivain tardivement retrouvé, on peut dire que Mme Sand ne réussit que deux fois, d'une manière durable, au théâtre : dans le Mariage de Victorine et dans le Marquis de Villemer. Encore est-il juste de dire que, ces deux fois, elle avait eu deux précieux collaborateurs : pour la première pièce, Sedaine ; pour la seconde, Alexandre Dumas fils.
Pendant cette période, disputée au roman et en partie usurpée par des tentatives dramatiques, Mme Sand n'abandonnait pas la voie que lui montrait sa vraie vocation.
IV
Elle donnait successivement : des romans du genre historique, comme les Beaux Messieurs de Bois-Doré, dont était sortie presque aussitôt la pièce du même nom, cette étrange hallucination, ce rêve rétrospectif sur les amours et la religion antédiluviennes, qu'elle a intitulé Évenor et Leucippe ; quelques romans agréables, comme la Filleule, Adriani, Mont-Revêche, qui nous semblent particulièrement significatifs par la peinture très vive et très soignée des caractères, par la gracieuse variété des situations, par le mouvement de l'intrigue et surtout par le désintéressement très marqué de toute théorie sociale, le parti pris de revenir à sa conception primitive du roman, pur de toute préoccupation étrangère [Citons encore, mais sans nous arrêter : la Daniella, un roman très romanesque ; Narcisse, les Dames Vertes, l'Homme de neige, Constance Verrier, la Famille de Germandre, Valvèdre, la Ville-Noire, Tamaris (1862) ; Mademoiselle de La Quintinie (1863), la Confession d'une jeune fille (1865), Monsieur Sylvestre, le Dernier amour, Cadio (1868), Mademoiselle Merquem, Pierre qui roule, le Château de Pictordu, Flamarande, etc., etc. ; puis les Légendes rustiques, Impressions et souvenirs, Autour de la table, les Contes d'une grand'mère, etc., etc.].
Les
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