Hannibal, Sous les remparts de Rome
siège et lancer ses béliers à l’assaut de
l’enceinte, ainsi que ses éléphants. C’était le seul terrain par lequel les
assiégés pourraient effectuer une sortie. Ailleurs, ravins et gorges créaient
des obstacles infranchissables pour les deux parties. À chaque tentative des
Sagontins de briser leur encerclement en lançant des charges furieuses,
celles-ci étaient repoussées par les éléphants qui écrasaient les cohortes
adverses, contraintes de laisser sur le sol des centaines de cadavres piétines
et réduits en bouillie.
Les
assiégés, nonobstant ces revers, étaient décidés à résister jusqu’à leur
dernier souffle et leurs guerriers faisaient preuve d’un courage remarquable.
Ils se battaient comme de véritables lions avec une arme redoutable, la
phalarique. C’était une lance se terminant par une pointe de fer et dont la
base était entourée d’étoupe enduite de poix. Ils allumaient le brandon avant
de lancer cette javeline, si bien que l’adversaire atteint par elle devait
déposer ses armes pour l’éteindre et se trouvait ainsi être une cible idéale
pour d’autres lanceurs de traits. L’une de ces armes blessa d’ailleurs
grièvement à la cuisse Hannibal qui en fut quitte pour s’aliter quelques jours
et diriger de sa couche les opérations. Bien qu’ils fussent démoralisés par la
blessure de leur chef, les Carthaginois parvinrent à provoquer avec leurs
béliers l’effondrement d’une partie de la muraille et de trois tours, mais
furent délogés de cette brèche par une attaque surprise des assiégés qui
effectuèrent des coupes sombres dans leurs rangs.
Quelques
jours après ce revers qui avait refroidi l’ardeur des troupes puniques, une
trirème se présenta au large de Sagonte avec, à son bord, deux envoyés du Sénat
romain, Publius Valérius Flaccus et Quintus Baebius Tamphilius. Hannibal refusa
de les recevoir, prétextant qu’il ne pouvait assurer leur sécurité. Son poste
de commandement, qu’il ne devait pas quitter, était situé à portée de trait des
Sagontins et il aurait été désespéré de voir un Romain être malencontreusement
atteint par une phalarique. Quant à leur permettre d’entrer dans la ville,
grâce à une trêve, c’était impossible. Voyant que leurs alliés avaient omis de
venir avec une flotte et des renforts, les habitants de la cité seraient tentés
de leur faire un mauvais parti. Seul, Publius Valérius Flaccus put s’entretenir
avec Maharbal, délégué par Hannibal pour le rencontrer, mais leur discussion
tourna vite court :
— Nous
vous avions demandé, tonna le Romain, de ne pas franchir l’Ebre.
— Mais
Sagonte est au sud de ce fleuve comme tu peux le constater. Nous nous sommes
scrupuleusement conformés à votre recommandation en demeurant en deçà de la
limite fixée.
— Tu
finasses et je reconnais bien là la perfidie punique. Tu ergotes pour masquer
l’essentiel : vous avez attaqué l’un de nos alliés.
— Pourquoi
les prenez-vous dans les régions soumises à notre domination ? Est-ce un
moyen de nous affaiblir encore un peu plus que d’interdire tout mouvement dans
la zone que vous reconnaissez vous-mêmes nous appartenir après nous avoir
arraché la Sardaigne en violant vos propres promesses ?
— Tu
m’as bien compris. Vous ne devez pas bouger d’un pouce si ce n’est pour reculer
loin des murs de Sagonte.
— Dans
ces conditions, toute discussion entre nous est désormais inutile.
— Avec
toi et Hannibal, oui. C’est pourquoi, avec mon collègue, je me rendrai à
Carthage pour convaincre le Conseil des Cent Quatre de vous ramener à la
raison. Je ne désespère pas d’y parvenir car plusieurs de vos magistrats sont
des hommes sages et instruits, hostiles aux folles aventures du clan Barca.
Reste à savoir si nous pourrons arriver à bon port car ton maître est si rusé
qu’il serait bien capable de faire couler notre navire en haute mer.
— Je
sais que vous l’accusez de pratiquer ce que tu appelais la perfidia plus
quam punica, la fourberie plus que punique. Tu m’en faisais il y a peu le
reproche. C’est un grief sans fondement. Pour te rassurer, vous serez
accompagné de son jeune frère, Magon. Crois-tu le fils d’Hamilcar capable
d’attenter à la vie de celui-ci ? À Carthage, vous serez reçus avec les
honneurs dus à votre rang mais je doute que tu puisses convaincre une majorité
de notre Sénat. Le camp pro-romain y est très minoritaire et le
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