Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Haute-savane

Haute-savane

Titel: Haute-savane Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
Vom Netzwerk:
ce que je pourrais faire.
    — Cela veut-il dire que tu vas « la » laisser mettre au monde son bâtard ? Que tu lui donneras ton nom ?
    La violence du ton surprit Gilles. Il regarda sa nourrice comme s’il la voyait pour la première fois.
    — Quel mot dans ta bouche ! Ne suis-je pas moi-même un bâtard ?
    — Tu ne l’as été que parce que ton père ignorait ta naissance. Toi, tu es l’enfant d’un amour, pas celui d’un adultère. Ton père était de bonne race bretonne, ta mère aussi ; mais l’enfant qui se prépare portera en lui le sang d’un ruffian sicilien. Tu n’as pas le droit de lui donner le nom que ton père t’a confié en mourant.
    — Qui te dit que j’aie l’intention de le lui donner ? Me prends-tu pour un sot ?
    — Non, mais pour un homme amoureux, c’est-à-dire capable des plus grosses sottises.
    Arrêtant son va-et-vient, Gilles alla se poster près du hublot, tournant le dos à la vieille femme et contemplant les faibles éclats blancs que l’écume mettait à la crête des vagues noires.
    — Amoureux ! soupira-t-il au bout d’un moment. Je l’ai été, certes. J’ai aimé Judith au-delà de tout ce que je croyais pouvoir aimer. Peut-être parce qu’elle a été mon premier amour. À présent, je ne sais plus. Sans doute sa beauté m’inspirera-t-elle encore le désir… mais l’amour ?
    — Tu n’es plus certain de tes sentiments, traduisit Rozenn qui ajouta tranquillement : et c’est depuis que tu as rencontré Madalen que tu as changé…
    Cette fois, Tournemine se retourna et considéra sa nourrice avec une nuance d’amusement. Comme s’il avait jamais pu lui cacher quelque chose quand il était auprès d’elle… Les yeux de sa tendresse étaient les plus aigus qui soient.
    — Tu sais cela aussi ? murmura-t-il un peu gêné tout de même.
    — Je sais qu’elle t’aime : cela crève les yeux. Mais toi, je n’étais pas sûre.
    — Eh bien, tu l’es à présent… mais si tu veux bien, nous n’en parlerons plus jamais. D’autant que cela ne change rien aux données du problème posé par la grossesse de ma femme.
    — Crois-tu… ?
    À la manière d’une tempête d’été, le calme apparent de Rozenn éclata soudain en fureur.
    — Chez nous, jadis, on jetait à la mer la femme adultère. Et, chez les Tournemine, on n’a jamais permis à celle qui manquait à l’honneur d’étaler au soleil le fruit de sa faute… en admettant qu’on lui permette de vivre encore…
    — Mais on élevait assez facilement les bâtards du maître. Rozenn ! Rozenn ! Je ne te reconnais plus. Ma parole, tu es en train de me conseiller de jeter Judith par-dessus bord.
    — Je sais bien que tu en es incapable, bougonna-t-elle, sa colère aussi subitement tombée qu’elle était montée. Pourtant, ce serait peut-être la meilleure chose que tu puisses jamais faire. Cette femme n’a jamais su que te faire du mal. Mieux vaudrait sans doute l’empêcher de continuer…
    — Et encourir la colère de Dieu ? Préfères-tu que je perde mon âme ? Allons, ma Rozenn, ajouta-t-il en entourant de ses bras les épaules encore solides de la vieille femme, cela ne te ressemble pas de rêver la perte de ton prochain et tu vas me promettre de ne rien tenter qui puisse mettre en péril la vie de Judith… ou celle de son enfant.
    — Parce que tu vas lui permettre de le garder ?
    — Je ne sais pas encore. Il faut me laisser le temps de réfléchir. Il n’y a pas dix minutes que tu m’as mis au courant… mais je n’achèterai jamais ma liberté au prix d’un crime.
    — Tu feras ce que tu veux, fit Rozenn avec entêtement, mais ne viens jamais me demander de bercer dans mes bras le fils d’un ruffian.
    — Je ne te demanderai jamais rien de semblable… encore que je sois bien certain que tu t’en tirerais à merveille.
    — Comment ?
    — Je te connais, ma vieille nounou : tu n’as jamais su résister au sourire d’un enfant. Tu sais depuis trop longtemps qu’un bébé innocent ne peut être tenu responsable des crimes de ses parents.
    — Peut-être… mais il peut parfaitement en hériter les tares et les vices. Je te laisse réfléchir, Gilles, mais songe avant de prendre une décision de quelle gravité elle sera pour l’avenir, le tien et celui des autres. Tu as une ennemie sur ce bateau et tu pourrais bien en avoir deux dans quelque temps ; le début d’une coalition…
    Rozenn sortit sur cette flèche du Parthe, laissant

Weitere Kostenlose Bücher