Histoire De France 1618-1661 Volume 14
était toujours la pierre d'achoppement, le cardinal avait imaginé d'abréger tout en le prenant au corps, le faisant enlever dans sa villa de Rivoli. L'affaire manqua par la chevalerie de Montmorency, qui devait faire le coup et qui avertit le duc. Alors on fit des siéges, on prit Pignerol, et, plus tard, Saluces, deux bonnes petites places. Mais on ne put entrer bien loin dans l'Italie.
Ce n'était pas ces petits succès-là qui pouvaient sauver Mantoue, et l'honneur de la France. Nos ennemis étaient aidés admirablement par la ligue des trois reines, de France et d'Angleterre. Henriette, de plus en plus maîtresse de Charles I er , le livrait à l'Espagne, lui faisait demander la paix aux Espagnols, dès lors d'autant plus fiers et plus insolents pour la France. Au Louvre, Marie de Médicis avait repris son fils, et, lorsque Richelieu obtint que le roi viendrait à l'armée,Marie et Anne d'Autriche le suivirent, s'établirent à Lyon pour ralentir et paralyser la guerre.
Le prétexte des reines était très-bon. Elles craignaient pour la vie du roi. Une peste épouvantable avait éclaté en Italie (celle que Mansoni peint dans les Promesi Sposi ). Elles priaient, suppliaient le médecin Bouvard de garder son malade contre Richelieu qui l'entraînait. Louis XIII poussa à Chambéry, à Saint-Jean-de-Maurienne; la Savoie fut prise, comme toujours. Mais tout cela ne sauvait pas l'Italie. Les reines et le conseil, leur homme, le garde des sceaux Marillac, vieux dévot, amoureux, qui traduisait l' Imitation et couchait avec la Fargis (la confidente d'Anne d'Autriche), toute cette cour travailla si bien, que le roi revint de Savoie. On lui rappela le danger de la Champagne, danger fort diminué pourtant, Gustave ayant débarqué le 20 juin en Allemagne et inquiétant les impériaux. N'importe, avec cela, on fit traîner les choses. L'armée du roi ne passa en Italie que le 6 juillet, trop tard pour y rien faire de grand, assez tôt pour apprendre la prise de Mantoue (18 juillet 1630).
Richelieu rejette sur Venise la faute du honteux et horrible événement. Cependant, par deux fois, elle avait ravitaillé la ville assiégée. Mais qu'était-ce que Venise alors? et comment lui reproche-t-on de n'avoir pu ce que le Roi de France lui-même ne pouvait? Il y avait fait passer furtivement trois cents hommes. Voilà un beau secours! Il est évident qu'au milieu de la peste et de tant de misères les nôtres se serrèrent aux Alpes, et n'allèrent pas voir au visage les vieux soldats, les brigands redoutables, qui tenaient Mantoueà la gorge. Les Vénitiens y allèrent, furent battus. C'était le sort des Italiens. Leurs Spinola, leurs Piccolomini, leurs Montecuculli, firent, en ce siècle, la gloire des armées étrangères. Mais, en Italie même, ils ne pouvaient plus rien, sur cette terre de désorganisation et de désespoir.
Il y avait quinze mois que les brigands avaient pris possession de l'Italie, qu'ils mangeaient en long et en large, sans distinction d'amis ou d'ennemis. Ils avaient désolé les Alpes des Grisons et la Valteline, cruellement écorché au passage le Milanais, les États Vénitiens; et alors ils étaient à sucer lentement l'infortuné pays de Mantoue, la campagne de Virgile. Altringer et Gallas, deux chefs de partisans, savants maîtres en ruines, qui déjà avaient longuement pillé l'Allemagne, appliquaient leurs arts effroyables aux populations plus désarmées encore de l'Italie. Le paysan endura tout; les pillages, les coups et les hontes, et souvent la mort par dessus, pour une larme ou pour un soupir. Le grand vengeur des guerres, la peste, impartiale, était venue ensuite, fauchant et les uns et les autres, les tyrans, les victimes. Le camp barbare se dépeuplait, et, d'autre part, Mantoue perdit vingt-cinq mille âmes. Les vivres n'y manquaient plus pour une population tant diminuée. La peste avait fait l'abondance. Mais, en revanche, il y avait peu, bien peu de soldats pour garder son enceinte immense. Le lac couvrait, il est vrai, la ville, et ses longues chaussées étroites où l'on n'arrive qu'un à un. Mais, le 17 juillet 1630, les assiégeants, apprenant que notre armée, le 6, était enfin en Italie, voyant le roi derrière et croyant (bienà tort) que ce nouveau François I er irait en plaine se joindre aux Vénitiens, sortirent de leur torpeur; ils quittèrent leur camp, un cimetière, pour attaquer l'autre cimetière, qui était la ville. La nuit, par une belle lune, ils
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