Histoire De France 1618-1661 Volume 14
effet.
L'affaire surprit l'Europe et fit honneur au roi, qui, de sa personne et en cette saison, avait frappé ce coup, tandis qu'aucun roi (moins un, Gustave) ne sortaitde son repos. L'empereur et le roi d'Espagne, par exemple, qui guerroyaient toujours, partout et si cruellement, ne bougeaient de leur prie-dieu.
L'effet moral aurait été très-grand si le roi avait pu rester en Italie. Mais il n'y laissa que cinq mille hommes, et en sortit. Ce furent, au contraire, les impériaux qui y entrèrent à ce moment (24 mai 1629). Ces bandes barbares tant redoutées, contre lesquelles le pape nous avait appelés d'avance, ce fut, tout au contraire, notre courte apparition de six semaines qui accéléra leur invasion. Ils saisirent les Grisons, les passages essentiels qui liaient les États autrichiens avec le Milanais des Espagnols.
Le roi était rentré en France, dès le 28 avril, pour achever la guerre protestante. On concentra cinquante mille hommes autour de Rohan aux abois, qui n'en avait pas douze mille, et qui tomba (3 mai 1629) à l'expédient misérable, criminel, inutile, de conclure avec l'Espagne un traité d'argent qu'on ne paya point. Les victoires de l'armée royale se bornèrent au massacre de la garnison de Privas, qui offrait de se rendre, et qu'on égorgea. Des bourgeois mêmes, bon nombre furent pendus, tous dépouillés, leurs biens confisqués. Cet exemple barbare eût été répété sur d'autres villes si l'affaire d'Italie, plus brouillée que jamais, n'eût donné hâte de finir la guerre. Elle fut conclue le 24 juin 1629, sous la condition de démanteler toutes les villes protestantes.
Richelieu, en quittant le Languedoc, recommanda la modération. Mais en même temps il établit partout d'ardents convertisseurs qui suivirent bien peu ceconseil, des Jésuites surtout, des Capucins. Cette paix victorieuse, ces fondations de missions, le firent à ce moment l'idole du parti. Les évêques (une fois il en eut jusqu'à douze) venaient sur toute la route lui faire leur cour, et reconnaître leur chef et le futur légat.
Tout cela n'empêchait pas les impériaux de réussir en Italie. En Allemagne, la situation était chaque jour plus effrayante. Le Danois n'avait eu la paix qu'en sacrifiant honteusement ses alliés; notre envoyé n'y vint que pour être témoin de ce traité qui désarmait l'Allemagne. Richelieu se moque de nous en prétendant que ce fut le roi de France qui eut l' honneur de cette honte.
On sent ici, comme partout, que ce lent, lourd, prolixe échafaudage de sagesse diplomatique qui caractérise ses Mémoires, comme tant d'autres monuments de ce siècle bavard, n'a rien de sérieux. Un hasard immense plane sur les choses.
Il obscurcit, à force de paroles, des faits très-simples qui sautent aux yeux et dominent tout.
Waldstein grossissait d'heure en heure et ne pouvait plus s'arrêter. Du Danois détruit, du Hongrois fini, d'immenses recrues lui étaient venues, et plus qu'il ne pouvait en nourrir. Son armée, pleine d'armées, allait crever. Pour allégement, on avait envoyé un corps en Italie, on en prêtait un à la Pologne, et on faisait sans cesse filer des troupes sur le Rhin. La grosse masse restait vers la Baltique, comme une baleine énorme sur le rivage. Mais cette situation ne pouvait pas se prolonger. En mangeant un pays mangé, on ne trouvait plus rien. Et le grand marchandd'hommes allait être forcé d'être un conquérant, ou de périr. Cette superbe comédie d'un esprit ou d'un diable, invisible et muet, dans ce camp silencieux, il fallait qu'elle finît. Il était resté deux ans sans rien faire qu'un siége qui manqua (Stralsund). Il avait eu le temps d'étudier à fond la Grande Ourse , les étoiles du Nord. La faim, irrémissiblement, allait le tirer de sa contemplation, et, quoiqu'on dît qu'il voulait passer la Baltique, il n'aurait trouvé là-bas rien à manger que rocs et neiges, il eût fallu toujours qu'après une pointe en Suède, il retombât sur les pays qui pouvaient le nourrir, sur le Rhin, sur les riches villes impériales, sur Strasbourg et le gras évêché de Metz qui le menait en France. Un fou brillant, le duc de Lorraine (à qui nos reines envoyèrent un bonnet de fou), épris de la vie d'aventures, appelait le fléau sur son pays. Et les scélérats étourdis qui menaient Monsieur, frère du roi, l'avaient mis en rapport de lettres avec Waldstein lui-même, jouant au jeu horrible de ramener en France, dans les champs de Châlons,
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