Histoire De France 1758-1789, Volume 19
s'enfuit.
Cette victoire du peuple d'Aix pouvait rendre celui de Marseille plus fier et plus difficile. Ce rude peuple est terrible. Mais le lion se fit agneau. Mirabeau lui expliqua à merveille la situation, l'instruisit et l'apaisa.
Le 26, le soir, aux flambeaux, il fit proclamer la hausse, et le peuple ne murmura pas.
Aix n'était pas apaisé. On menaçait un magasin. Le gouverneur Caraman n'y avait su d'autre remède que de faire venir des troupes, de préparer un carnage. Mirabeau accourt à Aix, et empêche la bataille. Il persuade au gouverneur d'écarter la force armée, de confier la ville à elle-même, aux milices bourgeoises. Des paysans arrivaient pour aggraver le désordre. Mirabeau court au devant, les harangue et les renvoie. Point de sang!... Belle victoire, et vraiment attendrissante. On mouille de larmes ce sauveur, ses habits, ses pas. Tous pleurent, et il pleure aussi (305).
Mais voici le plus merveilleux. Les nobles, cachés tout à l'heure, reparaissent plus fiers que jamais. Ils daigneront être officiers de milices nationales. Mais il faut qu'on expie le trouble, que le peuple soit puni pour avoir été massacré. «Une bonne justice prévôtale.»
«Oui, dit le peuple, pour vous.» Et voilà que lespotences, sans Mirabeau, se dresseraient. Il sauva ses ennemis.
Un des plus furieux contre lui avait été certain évêque. On le tenait à Sisteron. Il était en grand péril. Mirabeau court, il harangue; il enlève son évêque et le met en sûreté.
Il fut élu, on peut le dire, non-seulement à Aix, à Marseille, mais en France. Il arriva, porté sur les bras de la France, aux États généraux.
Ce fort et pénétrant esprit, au plus haut de son triomphe, se jugeant sans doute au dedans, sentit certaine tristesse. Était-il digne d'être à ce point exalté, divinisé par ce peuple confiant?
Qu'avait-on adoré en lui? le génie, surtout la force. Son triomphe n'ouvre-t-il pas la voie au culte des forts?
Et si l'orateur est dieu, que sera-ce, chez ce peuple encore si novice et si barbare, que sera-ce du capitaine divinisé par la victoire?
Au moment où il vint à Aix, où le peuple voulait le traîner, il fondit en larmes, disant: «Voilà comme on devient esclave!» [Retour à la Table des Matières]
FIN DU TOME DIX-NEUVIÈME ET DERNIER.
TABLE DES MATIÈRES.
PRÉFACE , I
L' Histoire de France est terminée, I
Le fil du présent volume est la Conspiration de famille , aujourd'hui prouvée, démontrée, II
Les légendes récentes ont été démenties par les lettres mêmes de Marie-Antoinette et de Marie-Thérèse, VII
Combien Louis XVI fut Allemand, étranger à la France, X
Toujours le roi en France a été l'étranger, XI
L'ascendant croissant de la reine, XII
Méthode suivie dans ce volume, XIII
Adieu à la France d'alors, XV
CHAPITRE PREMIER.
Chute de Bernis.—Avénement de Choiseul . 1758, 17
Cabale autrichienne des trois Lorraines, 20
Elles perdent Bernis et l'Infante, créent Choiseul, 23
Choiseul livre la France à l'Autriche, 24
CHAPITRE II.
Choiseul.—Son traité autrichien.—Ruine et revers . 1759, 27
Ascendant de la Lorraine. Règne des Lorraines, 28
Choiseul et sa sœur (Grammont), 29
Situation désespérée. Choiseul manque la descente d'Angleterre; banqueroute, 33
CHAPITRE III.
L'éclipse de Voltaire . 1759-1761, 40
Le parti autrichien fait rentrer Voltaire en France et le loge à Ferney, 44
Candide , 45
CHAPITRE IV.
Rousseau.—Nouvelle Héloïse . 1764-1761, 49
Le Rousseau naturel et le Rousseau artificiel, 50
La Savoie, madame de Warens, 52
Fluctuations. Il se fait chrétien (1754), 53
Les Génevois le lancent contre Voltaire, 54
Discordances et reniements. Délire. Madame d'Houdetot (1756), 56
Lettres sur les spectacles (1758). Nouvelle langue. Le grand schisme, 57
La Julie (janvier 1761), 62
CHAPITRE V.
La comédie des Philosophes . Mai 1760.— Mademoiselle de Romans . 1761, 68
Rousseau chez madame de Luxembourg, 69
Sa belle-fille obtient de Choiseul qu'il supprime l' Encyclopédie et diffame les philosophes, 70
Ménagements des dévots pour Rousseau, 71
Il les redoute. Caractère bâtard de l' Émile , 78
L'amour est à la mode. La Julie du roi, 80
CHAPITRE VI.
Pacte de famille.—Règne du Parlement.—Jésuites condamnés . 1761-1762, 82
Choiseul s'allie à l'Espagne et la compromet; se fait seul ministre, 83
Il amuse les Parlements avec la chasse aux Jésuites, 89
CHAPITRE VII.
Les Calas.—Voltaire a affranchi les protestants . 1761-1764,
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