Histoire de France
décision prise par Millerand le rendit populaire et, presque aussitôt, ce fut lui qui succéda au président Deschanel, obligé par la maladie de se démettre de sa charge et qui ne devait pas tarder à mourir.
Alexandre Millerand, en arrivant à la présidence de la République, avait annoncé son intention d’y remplir un rôle actif, d’y assurer la continuité de la politique française, de ne pas y rester, comme ses prédécesseurs, depuis le maréchal de Mac-Mahon, dans l’attitude d’un témoin et d’un arbitre. Pour la première fois depuis bien longtemps reparaissait l’idée de réviser la Constitution de 1875. La prérogative que le nouveau président revendiquait, il l’exerça en 1922 en se séparant d’Aristide Briand qu’il avait choisi l’année d’avant comme président du conseil. Cherchant, lui aussi, à réaliser le traité de Versailles et à le réaliser par l’accord des Alliés, Briand en était venu à des concessions de plus en plus grandes au point de vue des Anglais. À la conférence de Cannes, Lloyd George avait été sur le point d’obtenir ce qu’il cherchait, c’est-à-dire une sorte d’accommodement entre les vainqueurs et les vaincus, avec la participation de l’Allemagne elle-même. La protestation des Chambres et de l’opinion publique détermina Millerand à rappeler Briand de Cannes et à lui demander sa démission sans qu’il eût été renversé par un vote parlementaire.
Opposé à la politique des concessions, qu’il avait blâmée dans la presse, Raymond Poincaré était naturellement désigné pour prendre le pouvoir. Pour lui, le traité de Versailles, qu’il eût voulu meilleur, était intangible. Tel quel, il devait être appliqué, sans subir d’amputations nouvelles, sans réduction de notre créance qui n’était pas mieux payée depuis que remises, atténuations, délais, avaient été successivement accordés à l’Allemagne. La France en revenait donc à l’exécution intégrale du traité par la contrainte au besoin, les autres moyens ayant échoué, tandis que les Allemands, alléguant le désordre de leurs finances, suspendaient une à une toutes leurs prestations. Après tant d’expériences qui n’avaient pas réussi, il ne restait qu’un système à essayer, celui des gages. On avait déjà pensé au bassin de la Ruhr, une des régions minières et industrielles les plus riches de l’Allemagne. Les manquements répétés et volontaires de l’Allemagne à ses engagements ayant été constatés, selon les règles du traité de Versailles, par la Commission des Réparations, le gouvernement français, de concert avec la Belgique, prit la solution d’occuper la Ruhr. Le 11 janvier 1923, sans coup férir, les troupes françaises entraient à Essen. Ainsi le traité de paix n’avait rien terminé par sa propre vertu. Il exige encore de nous des efforts et notre compte avec l’Allemagne est loin d’être réglé. Les travaux continuent avec les jours et les jours des peuples sont longs.
Nous touchons ici au point où doit se terminer cette histoire. À mesure qu’on approche du temps même où nous vivons, les grandes lignes se dérobent. Elles ne se dégageront qu’avec la suite, qui nous manque encore.
Qu’a cherché la France depuis que la paix est conclue ? Sa sécurité, des garanties contre une revanche possible de l’Allemagne. Elle a cherché aussi les réparations qui lui avaient été promises et sans lesquelles le rétablissement de sa prospérité était incertain. Dans cette tâche, elle a rencontré la résistance de l’Allemagne et elle a été contrariée par l’Angleterre. Les deux forces extérieures contre lesquelles la France, au cours des siècles, a dû si souvent défendre son indépendance ou entre lesquelles il lui a fallu se frayer un chemin, se sont trouvées, dans une certaine mesure, réunies contre elle. La France avait déclaré qu’elle n’évacuerait ni la Ruhr ni la rive gauche du Rhin tant que l’Allemagne n’aurait pas rempli ses engagements. Une pression extérieure, presque universelle, et un changement d’orientation à l’intérieur, déterminé par la lassitude des Français, l’ont déjà fait renoncer à cette résolution.
Tout ce qu’on peut discerner, à la lueur des événements les plus récents, c’est que la paix, en ne tenant pas ses promesses, a laissé la France dans l’étrange situation d’un pays victorieux mais blessé. La France dispose, pour un temps
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