Histoire de France
des Alliés retournait à ses intérêts personnels, les Anglais préoccupés de la mer, les Français de leur sécurité sur le continent. Ce ne fut pas seulement dans la confusion des idées, mais dans le conflit des traditions et des intérêts que la conférence de Paris élabora une série de traités qui changeaient tout l’aspect de l’Europe, consacrant la ruine de l’Empire austro-hongrois, ressuscitant des États disparus comme la Pologne et la Bohême, baptisée Tchécoslovaquie, tandis que d’autres États recevaient des accroissements si considérables qu’ils en étaient plus que doublés : tel était le cas de la Serbie, devenue Yougoslavie. Pour la plupart, ces transformations avaient ou lieu aux dépens de l’Empire des Habsbourg, détruit et démembré, tandis que l’Allemagne, gardant son unité, restituait seulement, outre ses provinces polonaises, ce qu’elle avait pris au Danemark en 1864 et à la France en 1871. Sous aucun prétexte, nos Alliés n’avaient consenti à nous laisser d’autres frontières que celles de 1815. Sedan était effacé et non Waterloo. Là aussi il était visible, dès les orageuses discussions de la conférence de Paris, que désormais l’Angleterre, ayant anéanti la puissance navale allemande, se méfierait de la France plus que de l’Allemagne.
Et nous allions nous retrouver en face de l’Allemagne pour régler une des affaires les plus grandes et les plus difficiles qu’on eût encore vues. Le traité disait que l’Allemagne devrait réparer les ruines immenses qu’elle avait laissées chez nous. On n’exigeait d’elle ni argent comptant ni une indemnité fixée une fois pour toutes, mais des milliards dont le montant total serait déterminé dans l’avenir. L’occupation de la rive gauche du Rhin gagerait les paiements en même temps qu’elle protégerait les pays occidentaux, jusqu’au jour où l’Allemagne, ayant achevé le désarmement qui lui était prescrit, ayant donné des preuves de ses bonnes intentions, entrerait dans la Société des Nations, conçue par le président Wilson pour maintenir la paix et l’harmonie entre les peuples, comme la Sainte-Alliance, où la France était entrée peu de temps après 1815, avait été conçue par le tsar Alexandre. Telles étaient les grandes lignes de la paix qui fut conclue à Versailles le 28 juin 1919, jour anniversaire du crime de Sarajevo, dans cette même Galerie des Glaces où, le 18 janvier 1871, avait été proclamé l’Empire allemand. Deux obscurs délégués le la nouvelle République allemande signèrent avec les représentants des vingt-sept nations de toutes les parties du monde qui avaient pris part à la lutte, beaucoup d’une façon honoraire. D’autres traités, sur le même modèle, furent signés en divers, endroits des environs de Paris avec ce qui restait de l’Autriche, c’est-à-dire une petite République à laquelle il était interdit de se réunir à l’Allemagne, avec la Hongrie et la Bulgarie, tandis que la Turquie repoussait les conditions qui lui étaient imposées.
D’une guerre faite à plusieurs, sortait aussi une paix faite à plusieurs, mélange de conceptions diverses, du principe de l’équilibre et du principe des nationalités, une paix qui remettait beaucoup de questions à plus tard et qu’il faudrait encore interpréter et appliquer. En France surtout, les critiques ne lui manquèrent pas. Quant à l’Allemagne, malgré l’écroulement de sa grandeur et le désordre qui avait suivi la chute des Hohenzollern, elle n’était pas résignée à subir les conséquences de sa défaite. Elle protestait déjà contre le traité de Versailles, et la grande tâche de la France allait être de lui en imposer l’exécution, plus retenue qu’aidée par ses anciens Alliés. Dans un monde transformé, où, de vaincue, elle était devenue victorieuse, la France retrouvait les lois permanentes de son histoire : entre l’Allemagne et l’Angleterre, elle aurait encore à trouver sa voie.
Depuis 1914, il n’y avait plus eu d’élections en France. Le suffrage universel n’avait plus été consulté. La Chambre était toujours celle qui avait été nommée contre le service militaire de trois ans et qui, sous l’empire de la nécessité, avait voté toutes les mesures de la levée en masse, accepté d’abord l’union sacrée, puis, après quelques faiblesses, suivi jusqu’au bout Clemenceau qui l’avait ressaisie. Ses pouvoirs avaient
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