Histoire de France
la coalition ennemie tout entière était conduite par l’état-major allemand. Il y avait en France un front anglais isolé : le 21 mars 1918, Ludendorff l’attaquait, l’enfonçait. Toute une armée anglaise battait en retraite, et les Allemands purent croire qu’ils s’ouvraient de nouveau la route de Paris, bombardé le jour par de mystérieux canons à longue distance, par des avions la nuit, et d’où le gouvernement se tenait prêt à partir, comme en 1914. Dans ce péril, ce furent encore les soldats français qui se sacrifièrent et qui arrêtèrent la ruée. Du moins le danger commun, redevenu aussi grave qu’aux premiers jours de l’invasion, fit ce que rien n’avait obtenu jusque-là : un général français, Foch, reçut enfin le commandement unique des armées alliées. La guerre eut désormais une direction et une méthode. Une bataille de plus de sept mois commençait qui devait être la dernière et que le généralissime était résolu à ne pas abandonner. Arrêtés partout, après des succès de surprise passagers, devant Amiens et devant Compiègne, en Flandre et au Chemin des Dames, les Allemands, revenus jusque sur la Marne, y trouvent au mois de juillet une autre défaite. C’est le moment que Foch a prévu et pour lequel il s’est préparé afin que notre deuxième victoire de la Marne ne tourne pas court comme la première. Il passe à l’offensive et, sans laisser l’ennemi respirer, le poursuit et le harcèle, l’obligeant à céder chaque jour un peu du territoire conquis et occupé depuis quatre ans.
Le 11 novembre 1918, un armistice, « généreux jusqu’à l’imprudence », était accordé à l’armée allemande, la sauvait d’une catastrophe totale et lui permettait de repasser le Rhin sans avoir capitulé. Considérant que l’Allemagne était vaincue, que le sol français était libéré et qu’il n’avait pas le droit de continuer plus longtemps l’affreux carnage, Foch s’était conformé à l’avis des gouvernements alliés. En Orient, la Bulgarie et la Turquie avaient cédé les premières. L’Autriche s’effondrait, l’Allemagne était dans le désarroi. Les trônes, celui des Habsbourg, celui des Hohenzollern, ceux de tous les souverains allemands, tombaient les uns après les autres. La puissance qui avait fait trembler l’Europe, contre laquelle vingt-sept nations s’étaient liguées, gisait à terre. Les Allemands partaient à la hâte de France et de Belgique comme Guillaume II partait d’Allemagne : une de ces chutes dans le néant et le chaos, après une période de grandeur, dont l’Empire germanique et ses dynasties, au cours de l’histoire, avaient déjà donné tant d’exemples.
La victoire des Alliés ne semblait pas pouvoir être plus complète. Il restait à en tirer parti. Et le soulagement des Français, après l’armistice du 11 novembre qui mettait fin à plus de quatre ans de tuerie et d’angoisses, fut inexprimable. Cependant, près de 1 500 000 hommes avaient péri, dix départements étaient ravagés, plus de deux cents milliards, somme fantastique et qu’on n’eût jamais crue réalisable, avaient été engloutis. Sur le moment, on ne se rendit pas compte du bouleversement que la guerre avait apporté et qui changeait les conditions d’existence du pays. On crut tout heureux et tout facile quand d’autres jours pénibles commençaient.
L’établissement de la paix déçut d’abord. Une victoire qui avait coûté si cher semblait nous promettre d’amples compensations. Une victoire remportée à plusieurs ne nous laissait pas les mains libres. L’expérience enseignait que des préliminaires de paix devaient être imposés à l’ennemi dans les journées qui suivaient immédiatement l’armistice. Cette précaution, à laquelle les vainqueurs ne manquent jamais, fut négligée. Mais les Alliés n’avaient convenu de rien. Un contrat qui fixait la part de chacun après la victoire avait bien été signé en 1916. La défection de la Russie l’avait rendu caduc et, plus encore, l’intervention des États-Unis. Le programme français se réduisait à une formule imprécise : « Restitutions, réparations, garanties. » Quant au président Wilson, il avait énoncé en quatorze points un programme un peu plus détaillé, mais presque aussi vague et qui demandait beaucoup de travaux et de discussions avant d’être appliqué aux réalités européennes. De plus, le danger commun ayant disparu, chacun
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