Histoire du Consulat et de l'Empire
Le Courrier de la Sarthe. En tout, ces divers clubs rassemblent, sur l'ensemble du territoire, environ trente mille adhérents qui forment la base militante du mouvement néojacobin. C'est moins que les cent mille sans-culottes de l'an II, cela n'en représente pas moins une force notable. Beaucoup ont du reste appartenu aux sections de l'an II. Ils offrent donc un visage assez proche de celui du militant sans-culotte. Ce sont des boutiquiers, des artisans, attachés au droit de propriété, auxquels se sont joints des ouvriers. Ils souhaitent avant tout la consolidation de la Révolution et de la République. C'est pourquoi ils défendent la Constitution de l'an III qu'ils haïssaient quelque temps plus tôt. D'autres, en revanche, continuent d'espérer le rétablissement de la Constitution de l'an II, votée au temps de la Convention mais jamais appliquée.
Parmi les comités qui renaissent alors, le plus important est sans conteste le club du Manège qui se réinstalle, en juillet 1799, aux abords immédiats des Tuileries, dans le lieu même où se réunissaient naguère les conventionnels. Présidé par Drouet, l'homme qui avait reconnu Louis XVI à Varennes, avant de se rapprocher de Babeuf, ce club inscrit immédiatement son action dans la fidélité à l'œuvre jacobine. Fréquenté par près de trois mille membres, le club du Manège s'impose vite comme le lieu de cristallisation des forces jacobines dans le pays. Il devient, pour cette raison, l'une des cibles privilégiées du gouvernement. À côté de la vitalité de ses clubs, le néo-jacobinisme s'affirme aussi par la renaissance d'une presse active. Après avoir obtenu le rétablissement de la liberté de la presse, en juin 1799, les jacobins ont favorisé la renaissance de L'Ami du peuple, puis du Père Duchesne, avant d'encourager le lancement par Vatard du Journal des hommes libres, et enfin, en août, du journal Le Démocrate ou le défenseur de la vérité, par Bescher et Lamberté. Ces journaux, à l'existence parfois éphémère, servent de tribune aux idées jacobines et contribuent, en cet été 1799, à renforcer ce courant politique.
À droite, la liberté de la presse permet aussi aux idées royalistes de s'exprimer sous le Directoire. De la même façon, des organisations royalistes ont c9ntinué à se développer, malgré la répression qui a suivi le coup d'Etat du 18 fructidor. Ainsi, les Instituts philanthropiques, qui sont des associations royalistes fondées au début du Directoire à travers tout le pays, sont réorganisés en 1799. Ils représentent surtout la façade légale d'un mouvement qui s'est enfoncé 24
LA FRANCE EN CRISE
un peu plus dans la clandestinité, après avoir, au début du Directoire, espéré rétablir la monarchie par les urnes. L'essentiel du mouvement royaliste est, en effet, clandestin. Le nombre total des militants royalistes est de ce fait très difficile à connaître, d'autant qu'il n'existe pas une organisation unique mais des réseaux divers et parfois concurrents. Le plus important de ces réseaux a été tissé par l'Agence de Souabe qui dirige en principe le mouvement royaliste en France et qui, de ce fait, coordonne l'action des Instituts philanthropiques. Elle est animée par Dandré, par le général Précy qui avait dirigé la contrerévolution à Lyon, et par Imbert-Colomès, député fructidorisé. L'Agence de Souabe est en outre directement en relations avec le prétendant, à savoir le comte de Provence. Pour mieux asseoir son influence en France, elle a encouragé la constitution, en 1799, à Paris, d'un Conseil royal secret, dirigé par Royer
Collard, ancien député aux Cinq-Cents qui, après avoir été fructidorisé, s'est rallié à l'idée d'une monarchie constitutionnelle. On y côtoie également l'abbé de Montesquiou, mis en avant « pour l'ornement », mais dont le rôle n'est pas très actif. De même, Joseph Fiévée lui apporte une brève collaboration. Ce conseil a une fonction essentiellement politique ; il adresse des rapports au roi sur l'état de l'opinion et prépare l'éventuelle restauration du monarque, en tenant par exemple prêts des projets de constitution. En 1799, la priorité des royalistes est donnée à l'action militaire. Ils pensent que la situation est mûre pour tenter une insurrection armée dans le pays. La pression des troupes coalisées aux frontières leur fait espérer un prompt renfort. C'est dans ce but qu'agissent, à partir du printemps
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