Histoire du Consulat et de l'Empire
dans son œuvre. Du reste, même si la légende a contribué à masquer l'apport des compagnons de Napoléon, elle n'a pu totalement effacer l'image des principaux artisans de l'action impériale. Portraits, statues, noms de rues, biographies rendent compte de l'action des généraux, mais aussi des diplomates, des administrateurs, des financiers ou des hommes de loi à la construction de la France moderne.
Cette contribution collective n'enlève rien aux qualités de Napoléon qui sut s'entourer bien mieux qu'on ne l'a dit souvent et qui sut surtout diriger ces hommes avec une grande harmonie. Les écarts d'un Talleyrand ou d'un Fouché, que Napoléon a cependant utilisés avec 8
INTRODUCTION
beaucoup d'efficacité, ne doivent pas faire oublier le nombre de collaborateurs, célèbres ou obscurs, qui contribuèrent à sa gloire.
Comprendre comment le Consulat et l'Empire ont pu s'établir en France, puis s'étendre à une grande partie de l'Europe, mesurer l'étendue des réalisations entreprises, en faisant la part de l'action propre de Napoléon par rapport à celle de son entourage, s'interroger sur leur réception dans le pays comme sur leur pérennité, tels sont les objectifs des pages qui vont suivre. En reprenant les trois grandes séquences que représentent le Consulat, les débuts de l'Empire jusqu'en 1809 et la période marquée par l'enracinement monarchique de 1810 à 1814, on mettra l'accent sur l'apport de chacune d'entre elles à l'histoire politique du pays, sans négliger les conséquences que chacune a eues sur l'évolution de la société. La connaissance du Consulat et de l'Empire, avec leurs gloires et leurs faiblesses, est essentielle à la compréhension de la France moderne, mais aussi à l'appréhension de l'imaginaire contemporain.
Première partie
La République consulaire
(1799-1804)
1
La France en crise
Le 14 juillet 1799, Sieyès préside les cérémonies commémorant la prise de la Bastille et la fête de la Fédération, mais le temps est loin où les Français, réunis sur le Champde-Mars autour de Louis XVI, le 14 juillet 1790, donnaient l'image d'une nation consolidée, prête à s'engager dans la voie de la monarchie constitutionnelle. En 1799, les divisions l'emportent. Néojacobins d'un côté, royalistes de l'autre cherchent à s'emparer d'un pouvoir que les modérés se disputent également. Ce n'est donc pas un hasard si Sieyès, alors président du Directoire, profite des cérémonies du 14 juillet pour s'en prendre violemment aux jacobins et annoncer par là même son intention de s'opposer à tout retour à la République radicale. Il est en même temps conscient des défauts du régime qu'il préside et songe déjà à le réformer. Le 14 juillet 1799 annonce donc le 18-Brumaire.
Mais où en est la France après dix ans de révolution ?
1. LA FRANCE ET LES FRANÇAIS À LA FIN DU DIRECTOIRE
Il n'est pas certain qu'un Français de 1799 ait une claire conscience de ce que représente la France à la fin du Directoire.
Cette hypothèse revient aussi à s'interroger sur ce que signifie être Français à cette date. Dans quelle mesure, en effet, les habitants qui vivent dans cet espace que l'on appelle « France » ont-ils le sentiment d'appartenir à une même collectivité ? Dans ses limites, la France semble répondre au vœu de Danton qui, à la Convention, en 1793, souhaitait qu'elle s'étende jusqu'à ses « frontières naturelles », à savoir l'Océan, les Pyrénées, la Méditerranée, les Alpes et le Rhin.
C'est chose faite en 1798 puisque l'extension, amorcée en 1793, s'est poursuivie. La France contrôle désormais la rive gauche du Rhin et la Belgique, à l'est et au nord ; elle a en outre annexé Genève en 13
LA RÉPUBLIQUE CONSULAIRE (1799-1804)
1798, complétant ainsi son emprise sur le massif alpin. Elle a achevé aussi l'unification de son territoire intérieur, en annexant la ville libre de Mulhouse en 1798. À cette date, la France s'étend donc de Nice aux Bouches de l'Escaut, de Bayonne à Mayence. Cet espace recouvre cent trois départements, y compris les deux départements corses du Golo et de Liamone, c'est-à-dire vingt de plus qu'en 1790
lorsque fut créé ce cadre administratif.
S'il ne suffit pas d'imposer un cadre unique pour forger une nation, l'uniformité dans l'administration, l'imposition à tous de la même législation, les efforts pour faire du français la seule langue nationale, à la fois langue
Weitere Kostenlose Bücher