Histoire du Consulat et de l'Empire
politique en faisant ressortir l'impéritie du Directoire. Comme en l'an II, le péril aux frontières sert de prétexte à une tentative de reprise en main du pays. La crise apparaît d'autant plus criante que les divisions politiques n'ont cessé de s'accentuer, rendant difficile la constitution de majorités stables et durables.
3. LES FORCES EN PRÉSENCE
La crise du printemps et de l'été 1799 s'explique en effet par la division politique du pays. Trois partis aspirent alors à gouverner la France. Les « directoriaux », installés au pouvoir depuis 1795, sou·
haitent s'y maintenir mais ils sont confrontés à une double opposition, jacobine sur leur gauche et royaliste sur leur droite. Dans chaque famille, des nuances sont elles-mêmes perceptibles, mais 22
LA FRANCE EN CRISE
c'est d'abord cette division du paysage politique en trois grands blocs qui s'impose à l'examen.
À gauche, le retour en force des jacobins est patent. Pourtant cette famille politique paraissait moribonde au début du Directoire.
La traque des jacobins consécutive à la chute de Robespierre, le 9
thermidor an II (27 juillet 1794), lui avait porté un rude coup. Puis, la répression conduite au lendemain des journées de prairial an III (mai 1795) semblait avoir sonné le glas de ce mouvement. De fait, lors des premières élections du Directoire, les derniers jacobins se terrent. Mais le jacobinisme n'est pas mort. Dès 1796, certains de ses sectateurs se sont rapprochés de Gracchus Babeuf et ont fourni une partie de ses recrues au mouvement des Égaux. La liquidation de ce complot par le Directoire, loin d'anéantir le courant jacobin, le confirme dans la nécessité de poursuivre sa réorganisation. Mais c'est surtout la lutte engagée par le régime contre les royalistes qui lui donne des ailes. Au lendemain du coup d'État de Fructidor (septembre 1797), les jacobins sortent de l'ombre. Ils sont ainsi prêts à faire face aux élections du printemps 1798, que les royalistes ont délaissées. La désaffection dont sont victimes les candidats du gouvernement les sert et, malgré les nombreuses invalidations dont ils sont victimes, ils peuvent désormais affirmer leurs options au grand jour. En outre, l'épuration de floréal n'a pas complètement décimé leurs rangs. Ils comptent donc près d'une centaine de députés dans les deux Conseils, certains du reste élus sur un programme plus modéré.
Les élections du printemps 1799 ont encore renforcé leur poids au sein des assemblées à l'intérieur desquelles ils restent malgré tout minoritaires, comme dans le pays. Néanmoins, en s'alliant aux révisionnistes, ils ont pu provoquer la recomposition du Directoire au printemps, et ils parviennent à faire passer ensuite plusieurs lois qui rappellent l'époque de l'an II, notamment un emprunt forcé sur les riches et une loi sui les otages, votés en juin 1799. Représentés au Directoire par le général Moulin et Gohier qui appartiennent à cette mouvance, les néojacobins occupent également de fortes positions dans certains ministères, en particulier le ministère de l'Intérieur tenu par l'ancien conventionnel Quinette, le ministère des Finances, confié à Robert Lindet, ancien membre du Comité de salut public, et surtout le ministère de la Guerre qui, depuis le 2 juillet, est aux mains du général Bernadotte. Parallèlement, les jacobins se sont imposés à la tête de l'administration de la capitale, tandis que le général Marbot, un jacobin convaincu, détient le commandement de la division militaire de Paris. En un mois, la position politique des néojacobins s'est donc considérablement renforcée. En outre, ils bénéficient dans le pays de relais nombreux.
Un peu partout en France, des comités jacobins ont revu le jour en ce printemps de 1799. À Paris, dans le faubourg Saint-Antoine, si remuant depuis 1789, le Cercle constitutionnel a été fondé en 1797.
23
LA RÉPUBLIQUE CONSULAIRE (1799-1804)
Il est l'un des clubs les plus importants de la capitale, avec plus de deux cents membres. Dans le Maine et la Basse-Normandie, quatrevingt-cinq cercles sont apparus au lendemain du 18-Fructidor ; certains, comme ceux du Mans ou de Caen, sont si actifs que plusieurs sont fermés par le gouvernement dès les premiers mois de 1799, mais le mouvement jacobin parvient à se réorganiser, notamment dans la Sarthe où se développent des cercles ambulants et où, à l'été, renaît un journal jacobin,
Weitere Kostenlose Bücher