Histoire du Consulat et de l'Empire
Introduction
En novembre 1799, un jeune général corse s'empare du pouvoir.
Cinq ans plus tard, Napoléon Bonaparte se fait sacrer empereur des Français. Le Consulat laisse la place à l'Empire. En 1815, après un ultime soubresaut, l'expérience prend fin. Pourtant, deux siècles après, l'aventure de Napoléon Bonaparte continue de fasciner. Qu'il suscite l'admiration ou le rejet, Napoléon ne laisse personne indifférent. Cette fascination tient en partie à l'abondance des écrits, mais aussi à celle des images qu'a suscitées l'épopée napoléonienne. Aux archives particulièrement nombreuses laissées par les administrations impériales, s'est ajoutée une moisson de mémoires, de récits, de souvenirs, publiés par les acteurs ou les témoins d'une histoire vécue comme palpitante. Le sentiment de rupture provoqué par la défaite de Waterloo accentue ce phénomène et fait entrer très vite l'Empire dans la légende. Néanmoins, les contemporains n'hésitèrent pas à faire l'histoire du temps présent, et lorsque Adolphe Thiers se lance dans sa vaste entreprise d'une Histoire du Consulat et de l'Empire, il peut bénéficier des témoignages de nombreux survivants de l'épopée. La rançon de ce succès cependant est une abondance telle qu'elle confine au chaos. La profusion des romans historiques, des histoires romancées, des récits anecdotiques contribue à brouiller les repères. La peinture et le théâtre au XIXe siècle, le cinéma au xxe siècle se sont emparés de l'aventure napoléonienne et ont ajouté leurs flots d'images aux impressions laissées par les lectures de souvenirs. Ainsi, lorsque l'on songe à l'époque du Consulat et de l'Empire, les images et les bruits se chevauchent : à la fureur des champs de bataille se mêlent les échos des débats au Conseil d'État ou des ordres tempêtés par l'Empereur, à l'éclat des uniformes de la Garde répond la magnificence des habits de cour.
Ce mémorial sonore et visuel se nourrit aussi du cri des victimes de la guerre et des plaintes des soldats prisonniers. Le silence, en 7
INTRODUCTION
revanche, s'abat sur un monde paysan et ouvrier pourtant toujours actif, mais dépourvu du droit à la parole.
Pour comprendre l'histoire du Consulat et de l'Empire, si l'écoute de ces bruits, la lecture de ces témoignages, le décryptage de ces images sont essentiels, ils nécessitent d'être confrontés aux archives, parfois plus austères mais non moins fondamentales à la perception d'une époque. Or, si l'intérêt des historiens pour le Consulat et l'Empire ne s'est jamais démenti, il a pris une nouvelle orientation depuis une trentaine d'années. La célébration du bicentenaire de la naissance de Napoléon Bonaparte en 1969 marque symboliquement une période de renouveau dans la manière d'appréhender cette époque, ce qui justifie une nouvelle synthèse sur le Consulat et l'Empire qui, sans négliger les apports anciens, mette en valeur les résultats des recherches les plus récentes. L'histoire de cette période ne saurait être envisagée comme formant un tout en soi. 1799 ne constitue pas une année zéro, pas plus que 1815 ne remet complètement en cause l'action engagée par Napoléon. Le Consulat et l'Empire marquent une étape dans le processus de construction de la France moderne, ce qui oblige à tenir compte de l'héritage dont ils bénéficient, comme des prolongements de l'œuvre entreprise. De ce point de vue, une telle histoire ne peut que s'inscrire dans une démarche sur la longue durée, qu'il s'agisse des changements économiques et sociaux, des bouleversements institutionnels ou des transformations culturelles.
L'époque n'en conserve pas moins sa spécificité. Dominée par Napoléon, elle donne naissance à un régime inédit en France, régime autoritaire assis sur la puissance des armes, mais qui parvint toutefois à construire une œuvre considérable dans les domaines les plus divers: l'administration, la justice, l'éducation, les finances, la religion. C'est cette multiplicité de chantiers achevés qui fascine.
Comment un homme seul a-t-il pu construire une telle œuvre, tout en bataillant aux quatre coins de l'Europe ? Poser une telle question revient presque inévitablement à s'interroger sur la responsabilité personnelle de Napoléon dans la conduite du pays. Certes, l'ampleur de son action est indéniable, mais il est aussi le produit d'une génération qui l'a accompagné et prodigieusement soutenu
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