Histoire du Consulat et de l'Empire
adversaires vont l'y aider. En s'activant, chacun à leur manière, royalistes et jacobins procurent au Directoire un motif d'agir, en même temps que, la dramatisation des événements aidant, l'opinion se prépare à une reprise en main du pays.
Au cours des fêtes du 14 juillet 1799, Sieyès avait désigné les néojacobins comme les principaux adversaires du régime. Dès lors le harcèlement à leur encontre est incessant. Le 20 juillet, un remaniement ministériel permet à Joseph Fouché, l'ancien conventionnel régicide, de s'installer au ministère de la Police. L'un de ses premiers actes, six jours plus tard, consiste à obliger le club du Manège à quitter les Tuileries et à déménager rue du Bac. L'avertissement est clair : le Directoire entend empêcher l'essor d'un nouveau Club des jacobins. Finalement, le club est définitivement fermé, le 13
août, après que, célébrant l'anniversaire du 10 août 1792, Sieyès s'en est à nouveau pris aux jacobins. « Trois jours après la diatribe de Sieyès, écrit Fouché dans ses Mémoires, je pris sur moi de faire procéder à la fermeture de la salle des jacobins de la rue du Bac 2. »
Quelques jours plus tôt déjà, Fouché avait contribué à écarter du commandement de la division militaire de Paris le général Marbot, qu'il décrit comme « tout à fait dévoué au parti des républicains exaltés et opposé à la politique de Sieyès 3 ». Le gouvernement commence ainsi à se débarrasser des éléments jacobins qui peuplent les postes stratégiques dans l'appareil d'État. Dans le même temps, le Directoire, au sein duquel Sieyès peut s'appuyer sur Barras et Ducos, décide de combattre la presse jacobine. Les journaux jacobins, notamment le Journal des hommes libres, sont attaqués pour avoir critiqué la politique du gouvernement. Leurs rédacteurs sont poursuivis en justice. Et finalement, le 3 septembre, plusieurs d'entre eux sont interdits. Dix jours plus tard, le ministre de la Guerre, Bernadotte, est remercié par le triumvirat Sieyès-Ducos
Barras, sans même que les deux autres directeurs, Gohier et Moulin, aient été informés. Le gouvernement est ainsi parvenu, en moins de deux mois, à limiter les espaces d'expression du parti jacobin et ses soutiens dans le pays. Celui-ci reste cependant puissant au Corps législatif où ses orateurs continuent à se faire entendre.
Le débat le plus significatif a lieu le 13 septembre. Face au danger extérieur, Jourdan demande que l'assemblée décrète la «patrie en danger », comme en septembre 1793, à l'époque de la Convention robespierriste et du Comité de salut public. Le débat est âpre. La proposition est repoussée par une majorité de deux cent quarantecinq députés qui refusent de voir ressurgir les vieux démons qu'ils ont combattus, mais elle n'en recueille pas moins cent soixante et onze voix, qui marquent d'une certaine manière les contours du groupe jacobin au Conseil des Cinq-Cents. Sans être majoritaire, celui-ci rassemble une forte minorité de députés, attentifs à la sau-27
LA RÉPUBLIQUE CONSULAIRE (1799-1804)
vegarde des intérêts révolutionnaires et à la préservation de la république de l'an III. On comprend pourquoi les conjurés du 18-Brumaire craignent l'attitude des jacobins au Corps législatif.
Le paradoxe vient de ce qu'ils prennent prétexte d'un prétendu complot anarchiste pour obliger les assemblées à renforcer les pouvoirs de l'exécutif, alors même que la puissance du parti jacobin a été fortement réduite depuis trois mois et que le seul lieu où il reste puissant est précisément le Corps législatif auquel s'adresse la demande.
À l'automne de 1799, les jacobins n'avaient du reste aucun plan pour s'emparer du pouvoir par les armes. Il n'en est pas de même des royalistes qui espèrent alors tirer parti de la situation pour restaurer la monarchie. Une vaste insurrection est organisée. Elle doit embraser le sud-ouest de la France à partir du 15 août 1799. Mais les actions des diverses troupes royalistes échouent sans que le pouvoir ait été véritablement inquiété. Dans la région de Toulouse, où les royalistes ont réussi à rassembler trente mille hommes sous la conduite du général Rouget, l'insurrection est lancée le 4 août, mais la ville de Toulouse, ardemment jacobine, se ferme aux insurgés qui doivent refluer vers les Pyrénées. Ils parviennent à s'emparer de villes moyennes, mais l'intervention de troupes
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