Hommage à la Catalogne
semaine, comme tant d’espions fascistes l’avaient déjà été. Mais on ne produisit jamais la moindre preuve ; il n’y eut jamais que les affirmations, non confirmées, de la presse communiste. Quant aux « deux cents aveux complets » qui, s’ils avaient existé, eussent suffi à convaincre tout le monde, on n’en a jamais plus entendu parler. Ce fut, en vérité, deux cents produits de l’imagination de quelqu’un !
Qui plus est, la plupart des membres du gouvernement espagnol se sont refusés à ajouter foi aux accusations portées contre le P.O.U.M. Récemment le Cabinet s’est prononcé par cinq voix contre deux en faveur de l’élargissement des prisonniers politiques antifascistes ; les deux voix opposées étant celles des ministres communistes. En août, une délégation internationale conduite par James Maxton, membre du Parlement, se rendit en Espagne pour enquêter au sujet des accusations lancées contre le P.O.U.M. et de la disparition d’Andrés Nin. Prieto, ministre de la Défense nationale, Irujo, ministre de la Justice, Zugazagoitia, ministre de l’intérieur, Ortega y Gasset, procureur général, Prat García, et d’autres encore, répondirent tous qu’ils se refusaient absolument à croire que les leaders du P.O.U.M. fussent coupables d’espionnage. Irujo ajouta qu’il avait parcouru le dossier de l’affaire, qu’aucune desdites preuves ne supportait l’examen, et que le document que l’on prétendait avoir été signé par Nin était « sans valeur » – autrement dit, un faux. Personnellement Prieto tenait les leaders du P.O.U.M pour responsables des troubles de mai à Barcelone, mais écartait l’idée qu’ils fussent des espions fascistes. « Ce qui est très grave, ajouta-t-il, c’est que l’arrestation des leaders du P.O.U.M. n’a pas été décidée par le gouvernement, c’est de sa propre autorité que la police a procédé à ces arrestations. Les responsables ne sont pas ceux qui sont à la tête de la police, mais leur entourage que, selon leur tactique habituelle, les communistes ont noyauté. » Et il cita d’autres cas d’arrestations illégales par la police. Irujo, de même, déclara que la police était devenue « quasi indépendante » et qu’elle était en réalité sous le contrôle d’éléments communistes étrangers. Prieto, à mots couverts, mais suffisamment clairs, fit comprendre à la délégation que le gouvernement ne pouvait se permettre de mécontenter le parti communiste au moment où les Russes fournissaient des armes. Quand une autre délégation, conduite par John McGovern, membre du Parlement, alla en Espagne en décembre, elle reçut la même réponse, et Zugazagoitia, le ministre de l’intérieur, donna à entendre la même chose, en termes plus nets encore : « Nous avons reçu l’aide de la Russie et nous avons dû permettre certains actes qui ne nous plaisaient pas. » À titre d’exemple de cette autonomie de la police, voici un fait à connaître : même en montrant un ordre signé du directeur des prisons et du ministre de la Justice, McGovern et les autres ne purent obtenir de pénétrer dans une des « prisons clandestines » entretenues à Barcelone par le parti communiste {21} .
Je crois que cela suffit, qu’à présent l’affaire est claire. L’accusation d’espionnage lancée contre le P.O.U.M. n’a jamais eu d’autre fondement que les articles parus dans la presse communiste et que l’activité déployée par la police secrète aux ordres des communistes. Les dirigeants du P.O.U.M. et des centaines ou des milliers de leurs partisans sont toujours en prison et depuis six mois la presse communiste n’a cessé de réclamer l’exécution des « traîtres ». Mais Negrín et les autres n’ont pas cédé et ont refusé d’organiser une tuerie en masse de « trotskystes ». Vu la pression qu’on a exercée sur eux, cela leur fait grand honneur. Et en face de toutes les déclarations que j’ai ci-dessus rapportées, il devient très difficile de croire que le P.O.U.M. était réellement une organisation fasciste d’espionnage, à moins de croire du même coup que Maxton, McGovern, Prieto, Irujo, Zugazagoitia et les autres sont tous à la solde des fascistes.
Venons-en enfin à l’accusation de « trotskysme » portée contre le P.O.U.M. On prodigue à présent ce terme avec de plus en plus de facilité et il est employé d’une manière qui est extrêmement trompeuse, et qui
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