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Hommage à la Catalogne

Hommage à la Catalogne

Titel: Hommage à la Catalogne Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: George Orwell
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souvent vise à tromper. Cela vaut donc la peine de prendre le temps de le définir. On emploie le terme trotskyste pour signifier trois choses distinctes :
    1) Quelqu’un qui, comme Trotsky, préconise la « révolution mondiale » et qui est contre le « socialisme dans un seul pays ». En termes moins précis : un révolutionnaire extrémiste.
    2) Un membre de l’organisation effective dont Trotsky est le dirigeant.
    3) Un fasciste déguisé se donnant pour un révolutionnaire, et dont l’action consiste spécialement à faire du sabotage en U.R.S.S., mais, en général, à diviser et miner les forces de gauche.
    Au sens 1) le P.O.U.M. peut probablement être considéré comme trotskyste. Tout comme l’I.L.P. d’Angleterre, le S.A.P. d’Allemagne, la gauche révolutionnaire du parti socialiste de France, etc. Mais le P.O.U.M. n’avait aucun lien ni avec Trotsky ni avec l’organisation trotskyste (« bolchevik-léniniste »).
    Quand la guerre éclata, les trotskystes étrangers qui vinrent en Espagne (au nombre de quinze à vingt) militèrent d’abord avec le P.O.U.M., parce que c’était le parti le plus rapproché de leur propre point de vue, mais sans en devenir membres ; par la suite Trotsky ordonna à ses partisans d’attaquer la politique du P.O.U.M. qui, alors, épura ses bureaux des trotskystes qui s’y trouvaient, mais quelques-uns cependant restèrent dans les milices. Nin, qui devint le leader du P.O.U.M. après que Maurín eût été fait prisonnier par les fascistes, avait été dans le temps secrétaire de Trotsky, mais il y avait plusieurs années qu’il l’avait quitté ; il avait ensuite formé le P.O.U.M. par le fusionnement de divers communistes oppositionnels avec un parti déjà existant, le Bloc ouvrier et paysan. Le fait que Nin avait autrefois fréquenté Trotsky fut exploité par la presse communiste pour démontrer que le P.O.U.M. était en réalité trotskyste. En employant un argument de cette sorte, on pourrait démontrer que le parti communiste anglais est en réalité une organisation fasciste parce que M. John Strachey a dans le temps fréquenté Sir Oswald Mosley !
    Au sens 2) – le seul qui soit tout à fait précis – le P.O.U.M. n’était certainement pas trotskyste. Il importe d’établir cette distinction, parce que les communistes sont pour le plus grand nombre persuadés qu’un trotskyste au sens 2 est immanquablement un trotskyste au sens 3 – autrement dit, que l’organisation trotskyste tout entière n’est qu’un vaste appareil d’espionnage fasciste. Le mot trotskysme n’attira l’attention du public qu’à l’époque des procès de sabotage en Russie ; aussi qualifier quelqu’un de trotskyste revient, ou peu s’en faut, à le qualifier d’assassin, d’agent provocateur, etc. Mais en même temps quiconque critique la politique communiste d’un point de vue de gauche court le risque d’être traité de trotskyste. Mais alors, soutient-on que quiconque professe l’extrémisme révolutionnaire est à la solde des fascistes ?
    Dans la pratique, tantôt on le soutient, et tantôt non, suivant que cela est ou non opportun étant donné la situation locale. Lorsque Maxton alla en Espagne avec la délégation dont j’ai parlé précédemment, Verdad , Frente Rojo et d’autres journaux communistes espagnols le traitèrent immédiatement de « trotskyste-fasciste », d’espion de la Gestapo, etc. Mais les communistes anglais se gardèrent bien de répéter cette accusation. Dans la presse communiste anglaise, Maxton devint seulement un « ennemi réactionnaire de la classe ouvrière », ce qui est d’un vague commode. Et cela pour la bonne raison que plusieurs leçons cuisantes ont inspiré à la presse communiste anglaise une crainte salutaire de la loi sur la diffamation ! Le fait que cette accusation ne fut pas répétée dans le pays où l’on eût pu avoir à en prouver le bien-fondé est un suffisant aveu de sa fausseté.
    Peut-être trouvera-t-on que j’ai parlé des accusations portées contre le P.O.U.M. plus longuement qu’il n’était nécessaire. Comparée aux grandes souffrances d’une guerre civile, cette sorte de querelle intestine entre partis, avec ses injustices inévitables et ses fausses accusations, peut paraître sans importance. Mais en réalité elle ne l’est pas. Je crois que les écrits diffamatoires et les campagnes de presse de ce genre, et la tournure d’esprit que cela dénote,

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