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Hommage à la Catalogne

Hommage à la Catalogne

Titel: Hommage à la Catalogne Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: George Orwell
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sont de nature à faire le plus grand tort à la cause antifasciste.
    Quiconque a donné un instant d’attention à la question sait que cette tactique des communistes à l’égard des opposants politiques, qui consiste à utiliser des accusations forgées de toutes pièces, n’est pas une nouveauté. Aujourd’hui, le mot-clé est « trotskyste-fasciste » ; il était hier « social-fasciste ». Il y a à peine six ou sept ans, les grands procès d’État russes « prouvaient » que les dirigeants de la II e Internationale, y compris, par exemple, Léon Blum et des membres éminents du parti travailliste anglais, ourdissaient un complot monstre en vue de l’invasion militaire de l’U.R.S.S. Ce qui n’empêche pas aujourd’hui les communistes français de ne pas demander mieux que d’avoir Léon Blum pour leader, et les communistes anglais de remuer ciel et terre pour entrer dans le parti travailliste. Je doute que le jeu en vaille la chandelle, même d’un point de vue sectaire. Tandis qu’on ne peut douter de la haine et de la dissension qu’engendre l’accusation de « trotskysme-fascisme ». Partout on lance les membres du parti communiste dans une absurde chasse à l’hérétique contre les « trotskystes » et l’on ramène ainsi les partis du type du P.O.U.M. à la position déplorablement stérile de n’être plus que des partis anticommunistes. Déjà s’annonce une dangereuse scission dans le mouvement ouvrier mondial. Quelques écrits diffamatoires de plus contre des socialistes qui l’ont été toute leur vie, quelques coups montés de plus du genre des accusations lancées contre le P.O.U.M., et ce sera la scission sans possibilités de réconciliation. Le seul espoir est de maintenir la controverse politique sur un plan où une discussion approfondie est possible. Entre les communistes et ceux qui sont, ou se targuent d’être, plus à gauche qu’eux, il y a une différence réelle. Les communistes soutiennent que l’on peut battre le fascisme en s’alliant avec des fractions de la classe capitaliste (cela s’appelle Front populaire) ; leurs opposants soutiennent que cette manœuvre n’aboutit qu’à fournir au fascisme de nouveaux terrains où croître. La question avait à être posée ; car prendre la mauvaise voie peut nous valoir des siècles de demi-esclavage. Mais tant qu’en guise d’arguments on ne saura que crier « Trotsky-fasciste », la discussion ne peut même pas commencer. Il me serait impossible, par exemple, d’examiner la question des droits et des torts dans les troubles de Barcelone avec un membre du parti communiste, parce qu’aucun communiste – j’entends communiste « bien-pensant » – ne pourrait admettre que j’ai présenté un compte rendu véridique des faits. S’il suivait consciencieusement la « ligne » de son parti, il aurait le devoir de me déclarer que je mens, ou, au mieux, que je me suis lamentablement fourvoyé, et que quiconque a seulement jeté un coup d’œil sur les en-têtes du Daily Worker à mille kilomètres du théâtre des événements sait mieux que moi ce qui s’est passé à Barcelone. Dans de telles conditions, il n’y a pas de discussion possible, le minimum d’accord indispensable ne peut être obtenu. Quel but poursuit-on en disant que des hommes comme Maxton sont à la solde des fascistes ? Uniquement celui de rendre impossible toute discussion sérieuse. C’est comme si au milieu d’un tournoi d’échecs l’un des compétiteurs se mettait soudain à crier que l’autre est coupable de crime d’incendie ou de bigamie. Le point qui est véritablement en litige reste inabordé. La diffamation ne tranche pas la question.

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