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Il suffit d'un Amour Tome 2

Il suffit d'un Amour Tome 2

Titel: Il suffit d'un Amour Tome 2 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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Ils jouaient aux dés sur un tonneau et ne se dérangèrent même pas pour visiter le baluchon que l'homme portait à l'épaule et qui devait contenir toute la fortune du ménage. Quant au moine, il n'avait visiblement pour toute richesse que son froc brun effrangé et son chapelet de buis. Il est probable qu'il en eût été tout autrement si les soldats de garde avaient pu deviner que la robe salie de la femme portait dans ses coutures une fortune de pierreries et surtout un gros diamant noir. Le reste de cette fortune se logeait dans les boules de buis du chapelet noué à la taille du moine.
    Non rasé depuis trois jours, vêtu d'une souquenille crasseuse et de chausses trop larges qui tire- bouchonnaient autour de ses jambes nerveuses de cavalier, un bonnet informe drapé sur sa tête et se tenant aussi voûté que possible pour masquer sa haute taille, Arnaud était méconnaissable.
    Catherine, habillée d'une robe bleue délavée, d'une cape brune trouée et les cheveux tirés impitoyablement sous une cornette qui n'avait pas été blanche depuis longtemps, ne lui cédait en rien.
    — Jean Son et sa femme habitent dans la rue aux Ours, leur dit frère Etienne une fois franchi le dangereux passage du corps de garde, tout près du Beffroi. Ce n'est pas loin. Mais, pour l'amour de Dieu, mon cher ami, tâchez de baisser les yeux quand vous rencontrez un Anglais et ne le mitraillez pas de ce regard fulgurant qui sent son guerrier d'une lieue !
    Arnaud, confus, grimaça un sourire et rougit.
    — Je ferai de mon mieux. Mais c'est dur, frère Etienne ; la vue de leurs chapeaux de fer et de leurs hoquetons verts à croix rouge se prélassant à l'aise dans une ville française me fait voir rouge !
    — Vous vous y ferez... du moins momentanément.
    L'ancienne capitale des ducs de Normandie offrait
    un visage d'une profonde tristesse qui ressortait étrangement sur la splendeur de son décor. Les hautes maisons à pignons, si belles avec leurs boisages apparents, leurs enseignes savamment découpées et l'élancement aérien des flèches d'église, les tours normandes magnifiées de gothique flamboyant, portant couronnes ciselées comme autant de reines, faisaient un cadre étrange aux silhouettes pressées, aux yeux baissés, aux visages mornes des habitants. Point de joyeux vacarme aux carrefours et, dans les échoppes à moitié vides, on sentait les restrictions. Des femmes silencieuses faisaient queue aux boulangeries, aux étals des bouchers et des tripiers, les pieds dans la neige avec l'espoir d'obtenir quelque chose. Par contre on voyait partout des soldats à casaque verte. Deux par deux ou trois par trois, ils déambulaient dans les ruelles, surveillant visiblement. Les consignes les plus sévères avaient été données depuis l'ouverture du procès qui tenait ses assises dans la chapelle du château, tant on craignait un coup de main soit dans le but de délivrer la prisonnière, soit pour attenter à la vie des hauts personnages que la forteresse abritait derrière son enceinte à sept tours.
    Quand les trois compagnons atteignirent la boutique de lingerie, atours et colifichets en tous genres, que tenait dame Nicole Son, ils virent que la lingère était très occupée à servir deux dames richement vêtues dont l'accent anglais prononcé désignait des dames de l'entourage de la duchesse de Bedford. Elles maniaient des dentelles de Flandres et des pièces de fine toile de lin avec une avidité qui fit sourire Catherine. Sur le comptoir, coiffant une tête de bois, un grand hennin à triple voile vaporeux, tout couvert de dentelle de Malines, accrocha un instant son regard. La mode bourguignonne semblait l'emporter en Normandie !
    Mais dame Nicole, une grande femme sèche et noiraude qui portait sans aucune grâce une robe de beau drap d'Elbeuf gris ourlé d'agneau noir et une grande croix d'or sur une gorgerette de lin finement plissé, leur adressa un regard tellement offusqué que frère Etienne jugea bon de prendre la direction des opérations :
    — La paix soit avec vous, dame Nicole ! ânonna- t-il d'un air confit, voilà vos pauvres cousins de Louviers que je vous amène... en bien triste état.
    Vous aurez, je pense, du mal à les reconnaître. Ils ont tout perdu. Ce bandit écorcheur, cet Etienne de Vignolles que Dieu damne, a brûlé leur maison, leur a tout pris. Je les ai trouvés sur la route à demi morts...
    — Comme c'est triste ! fit Nicole en considérant le couple avec un parfait

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