Il suffit d'un Amour Tome 2
on dit la prière en commun puis chacun se retira chez soi. Arnaud et Catherine retrouvèrent leur mansarde et le cœur de la jeune femme se mit à battre sur un rythme plus rapide. Cette cohabitation la gênait et la remplissait de joie tout à la fois car, enfin... Margot n'avait pré paré qu'un seul lit. Elle ne savait pas bien si elle devait se réjouir ou craindre de nouvelles rebuffades. Mais, une fois entré, Arnaud ôta calmement l'une des deux paillasses du lit, l'entassa dans un coin et prit une couverture. Dans les objets de rebut, il avait trouvé une vieille tenture déchirée en grosse toile, qu'il tendit soigneusement entre Catherine et lui grâce au solivage du toit.
Elle le regardait faire, interdite, un peu déçue, il faut le dire. Quand il eut terminé, il se tourna vers elle, sourit et s'inclina aussi courtoisement que s'ils eussent été dans un château au lieu d'occuper un galetas sordide.
— Bonne nuit ! fit-il aimablement, bonne nuit... ma chère femme !
Quelques minutes plus tard, un ronflement sonore apprit à Catherine qu'il dormait bel et bien. La journée avait été dure et la jeune femme eût aimé en faire autant mais elle était trop énervée pour trouver le sommeil. Longtemps, elle se tourna et se retourna sur sa paillasse sans parvenir à s'endormir. Elle en voulait à Arnaud, à elle-même, au monde entier. Et si seulement cet imbécile avait bien voulu ronfler moins fort !
Une étrange existence commença, de ce moment, pour les deux compagnons d'aventure. Tout le jour, sous la surveillance de Nicole, Catherine travaillait d'arrache-pied dans la maison, aidant Margot à la cuisine, au lavage, au ménage et au repassage, essuyant de fréquentes rebuffades, surtout quand des étrangers étaient au magasin, bref jouant parfaitement son rôle de parente pauvre recueillie par charité. De son côté, Arnaud était entré pleinement dans sa peau de maçon. Le fait qu'il savait écrire lui avait valu d'échapper à de redoutables acrobaties sur les échafaudages et Jean Son, en lui confiant des fonctions de secrétaire, lui avait évité bien des curiosités et des étonnements de la part des autres ouvriers. Comme il était le cousin du patron, nul ne voyait d'inconvénient à ce qu'il fût traité un peu mieux que les autres...
Mais, la nuit venue et Margot endormie, il se tenait dans la cave des Son des conciliabules où la maçonnerie n'avait que fort peu de place. C'était là que l'on recevait des nouvelles sûres du procès grâce à certains Frère Prêcheurs de l'ordre de Saint Dominique, appartenant au couvent Saint-Jacques, qui suivaient régulièrement les séances, devenues privées au début du mois de mars. Ces moines, frère Isambert de La Pierre et frère Martin Ladvenu, aidaient Jehanne de tout leur pouvoir et la conseillaient de leur mieux quand ils pouvaient l'approcher. Mais Cauchon et Warwick faisaient bonne garde autour de leur proie et frère Isambert, qui avait conseillé à Jehanne d'en appeler au Pape et au Concile de Bâle, se vit menacer d'être mis dans un sac et jeté à la Seine par le terrible évêque de Beauvais. Tous deux plaignaient la Pucelle et l'admiraient profondément. Ils retraçaient pour Jean Son et ses amis son calvaire de chaque instant, rapportaient ses réponses, toujours si simples, si claires et si pleines de foi, aux pires pièges tendus par les docteurs, partiaux et avides de plaire au vainqueur, qui l'interrogeaient. Jehanne se défendait avec une intelligence, une maîtrise et une précision, dans sa mémoire des réponses déjà faites, qui tenaient du prodige, surtout lorsque l'on considérait que cette enfant de dix-huit ans ne savait ni lire ni écrire. Tout juste signer son nom.
— Tout, dans ce procès, est illégal, faux, pourri, disait frère Isambert de sa belle voix grave. Cauchon a promis de la tuer mais il désire surtout jeter le discrédit sur le roi de France. Et, pour en arriver là, il ne reculera devant rien !
On sut, par lui, que Jehanne avait été conduite dans la salle de tortures du donjon mais qu'elle était demeurée ferme et droite devant les fouets armés de plomb dont on la menaçait, que rien ne parvenait à abattre son extraordinaire courage. Mais, plus les jours passaient et plus elle était difficile à atteindre.
Jean Son, accompagné d'Arnaud qui, pour être mieux déguisé, avait laissé pousser sa barbe, s'était rendu à la tour de Bouvreuil sous prétexte d'examiner la maçonnerie
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